Françoise Pétrovitch — Galerie Semiose
Autour d’une sculpture qui donne son nom à l’exposition, Françoise Pétrovitch organise à la galerie Semiose une délicieuse variation sur la jeunesse. Elle y met en scène la rencontre symbolique de la fragilité et de l’assurance dans un parcours au rythme aérien et épuré qui prend surtout le temps de respirer pour insuffler la vie de ses modèles dans la tendresse mélancolique de son regard.
« Françoise Pétrovitch — Dans mes mains », Galerie Semiose du 13 janvier au 9 mars. En savoir plus Car le miroir qu’elle tend à ces autres nous fêle toujours un peu plus. Une béance qui n’a rien de morbide, au contraire, elle est peut-être précisément celle qui peut nous faire accueillir ces autres. D’où l’étrange confusion des sentiments fac à l’ambiguïté de cette femme agenouillée au-dessus d’un corps inerte dont on ne sait si la posture doit nous inquiéter ou nous apitoyer, si elle porte secours ou se repose d’un mal terrassé. Mais dont la force incontestable est marquée par un subtil dérèglement des proportions : « dépliée, nous dit l’artiste, sa taille dépasserait celle du spectateur ». La sculpture, massive et sombre tranche avec la palette tantôt vive, tantôt délavée des couleurs de ses toiles.Désarticulant les rapports de teintes classiques, Françoise Pétrovitch multiplie dans ses peintures les audaces en gardant pour fil conducteur des halos d’une lumière intense qui font vibrer le blanc. D’un trait furtif, elle parvient avec toujours autant d’aisance à installer un kaléidoscope de récits et sentiments qui oscillent entre la légèreté de l’instant volé et la volonté de souligner la forme de vie qui s’y affirme.
Retrouvant un trait au minimalisme plus saillant qu’à d’autres périodes, la construction des toiles souligne un désir de vitesse, analogue pourrait-on penser au défilement des reflets d’images qui illuminent les visages de ces jeunes gens aussi absorbés que détachés des écrans qu’ils consultent régulièrement. Loin du jugement, la multitude des attitudes vient au contraire souligner l’infinité de rapports et de possibles que ces confrontations aux images peuvent recéler. Un univers que chacun peut tenir dans sa main et dont on ne sait jamais comment et par où il est exploré.
S’y retrouvent, presque en négatif, les points saillants de l’œuvre récente de l’artiste, les interactions des membres entre soutien et sauvetage, les clôtures assumées de corps avec le monde extérieur qui, s’ils en sont abstraits par l’absence revendiquée de décor réaliste, dessinent leur propre monde par l’épaisseur de la ligne claire qui les y inscrit. Ou comment manier la pensée d’une abstraction qui resterait ancrée dans le champ immanent de la réalité mais toujours singulièrement isolante.
L’artiste écrit en définitive là encore une histoire de moments ; une rencontre entre sa propre temporalité, celle de son intimité et le temps qui passe, celui de son époque et des visages et corps de jeunes personnes qu’elle croise, dont elle perçoit les rapports, les passions et les gestes. Le temps de sa technique aussi, Françoise Pétrovitch évoque avec simplicité la gamme chromatique qui l’occupe en ce moment, de même que la figure de Ingres, évoquée ici comme arrière-fond de sa peinture. Si elle ne manque pas d’étonner au premier abord, elle se justifie dans la variété des angles et des perspectives de ses sujets, ces regards qui filent, obliques au long de contre-plongées à peine perceptibles qui démultiplient, comme en contrebande, la force d’expression de moues et de sourires contenus.
Et rend en la démultipliant cette vie dont ses tableaux se nourrissent, cette vie qu’ils imitent en laissant jouer la matière peinture et s’organiser autour de ses accidents.