Humain Autonome — Mac Val, Vitry-sur-Seine
Le Mac Val présente tout au long de la saison une exposition d’envergure dont la part critique et réellement ambitieuse définit à nouveaux frais notre humanité à l’aune d’un rapport pluriel et complexe à la machine-mouvement. Une vraie exposition de chercheurs où tout s’emboite et où chaque œuvre de cette traversée vrombissante ouvre une nouvelle voie.
« Humain Autonome : Déroutes », MAC VAL Musée d'art contemporain du Val-de-Marne du 26 avril au 22 septembre. En savoir plus Se donnant pour but de « pointer certaines apories du monde contemporain », Humain Autonome s’inscrit sous le signe du paradoxe, celui, initial, d’une humanité qui construit et se construit à travers l’automobile tout en étant menacé par elle. Mode de transport devenu économie globale mécanisée, l’automobile coordonne les sociétés entre elles sur le plan local comme mondial et sa voierie, reflet des évolutions du génie architectural et scientifique autant que de leur démesure, dessine sur nos territoires un maillage essentiel qui définit notre rapport aux distances et leur inscription dans le temps.Portant plus centralement sa focale sur la question même de l’outil voiture, elle en pointe l’extension de l’imaginaire et son imbrication dans le nôtre. Un sujet habile qui engage chacun des visiteurs, conducteur ou non, à convoquer d’emblée émotions et souvenirs pour les confronter à ces variations plurielles qui évitent l’écueil du « débat de société » sans perdre de vue l’engagement politique.
Rythmé par les grondements organiques de moteur, le parcours enserre immédiatement le visiteur au sein du corps paradoxe dont l’automobile est bien souvent le prolongement. Tout objet de fascination devenant, par essence, sujet d’étude majeur pour une création à même d’y puiser matière à repenser notre humanité, la voiture draine à sa suite une cohorte d’univers mentaux qui se conjuguent, s’affrontent, s’annulent et se complètent. De la banalité du quotidien à sa compréhension en tant que prisme de nos projections futuristes, le couple moteur et quatre roues est chronologiquement sentimental, capable de sublimer l’affect, de nourrir les métaphores impressionnistes comme de renvoyer à notre propre mortalité. Autant de dimensions auxquelles répond parfaitement l’exposition en proposant un parcours atmosphère affirmé qui dresse un paysage bigarré et fantastique d’où auraient été exhumés des pièces d’un cercle concentrique à démêler, celui du rapport des hommes à leur objet.
Car fondamentalement, acceptant la nécessaire impossibilité d’embrasser toute la complexité du rapport de l’humanité à la voiture, l’exposition semble assumer le parti d’en travailler les intensités par touches, glissant entre les registres conceptuels formels, théoriques et plastiques, figeant les membres du corps automobile dans des stases pleines de sens. À l’envers comme à l’entour, on traverse l’histoire de l’art contemporain à l’aune d’un motif dont les dimensions organiques et mécaniques se superposent, dont les enjeux sociaux sont immédiatement rebattus par la sensualité de la forme, par la séduction orchestrée par un capitalisme économique qui a trouvé en son marché un terrain de jeu à taille planète.
Et la voiture de s’insérer, au fil de ces propositions toutes passionnantes (la sélection est à cet égard à saluer tant chaque œuvre amène une conception vraiment singulière qui fait avancer le propos), comme vecteur de réflexion dont chaque itération révèle une mécanique de notre monde. Une conjonction de dynamiques dont les directions multiples sont aussi émancipatrices que potentiellement risquées, rugissant dans un surplace dont l’emballement, si l’on ne s’en défait pas, risque bien de nous faire imploser.