Joel-Peter Witkin — Galerie Baudoin Lebon
Avec The Soul has no Gender, la galerie Baudoin Lebon consacre une exposition réjouissante à Joel-Peter Witkin, qui offre, à travers une somme de travaux inédits et récents, un regard nouveau sur son œuvre.
« Joel-Peter Witkin — The Soul Has No Gender », Galerie baudoin lebon du 19 avril au 3 juin 2017. En savoir plus Loin des clichés de sa fascination pourtant contagieuse pour les « freaks » et autres sujets morbides, l’œuvre de ce photographe né en 1939 relève d’une véritable quête qui tend à découvrir la force de l’image et sa capacité à modeler notre rapport au monde. Avec des cmopositions aux allures d’allégories, le parcours proposé ici fait la part belle aux corps, à leur emprisonnement autant qu’à leurs fausses libérations à travers des catégories qui ne sont que des traductions de pouvoirs de domination. Une vingtaine d’œuvres qui explorent donc les corps et les sexes pour promouvoir une vision plus ouverte du monde qui nous entoure. Personnelle et singulière, sa démarche, si elle répond aux problématiques de notre temps, tente pourtant, avec une radicalité qui intrigue, de s’en émanciper. C’est qu’au fil de ses constructions, ses mises en scène iconoclastes organisent la rencontre des époques, le choc des cultures et des symboles qui témoignent d’une persévérance et d’une intégrité rares.À l’image de cette œuvre au vitriol dirigée contre Cindy Sherman (dont il reconnaît le formidable apport au monde de l’art) et surtout Jeff Koons, qu’il accuse de cacher le vide de son esprit derrière le plein de sa mégalomanie. Dans Christ Dismissing Fashionable Artists from the Temple of Art, une image composée sur une trame très classique, il invente un Jésus expulsant, plutôt que les marchands, les deux icônes de l’art contemporain (ainsi que la Cicciolina qui participa à l’une des œuvres les plus emblématiques de Koons) du Temple de l’Art. À l’heure où Jeff Koons fait scandale en éditant, avec Louis Vuitton, des sacs à main aux couleurs des chefs-d’œuvres de l’art classique, cette véhémence frontale assez rare et pour le moins jouissive rappelle surtout la quête invétérée de Witkin vers une forme de sublime. Une pure beauté à créer en mariant les paradoxes qui, si elle peut paraître un peu surannée et littérale, n’en demeure pas moins inventive et, que l’on soit sensible ou non à son esthétique qui a fait les belles heures d’un néo-romantisme gothique largement récupéré, lui aussi, par les codes de la « fashion industry », ne l’empêche pas moins de renouveler le cadre de ses créations.
Avec cette nouvelle exposition, Joel-Peter Witkin offre ainsi un visage inattendu qui séduit par son inventivité et cette rencontre formalisée dans son œuvre avec Picasso, dont l’entremêlement ici révèle un écart, un recul sur cette production léchée qui paraît salutaire. Witkin prend une distance presque amusée avec son propre œuvre et le laisse ainsi respirer, révélant plus que jamais des talents de composition de cadres et de construction plastique (mélanges sensuels des formes, des couleurs, des matières synthétiques et organiques) qui réinventent ses mondes si particuliers.
Joel-Peter Witkin se révèle finalement tel qu’il est dans sa plus grande simplicité, un véritable inventeur de formes. Au-delà de ce monde empli de signes, de la décadence au sublime, de la crudité à la jouissance, The Soul has no Gender rappelle que la culture classique qui habite son œuvre, mêlée à sa technique virtuose, parvient à faire naître un imaginaire complexe où les oppositions se dépassent pour trouver leurs résolutions dans des rêves obscurs, aussi inquiétants qu’enjôleurs, toujours renversants.