La Forêt magique — Palais des Beaux-Arts de Lille
Dans le cadre de Lille 3000, Utopia, le Palais des Beaux-Arts de Lille accueille l’exposition La Forêt magique. Les curateurs Régis Cotention et Bruno Girveau rappellent l’histoire des représentations des forêts, des arbres et l’engagement des artistes envers leur protection.
« La Forêt magique », Palais des Beaux-Arts de Lille du 13 mai au 19 septembre 2022. En savoir plus La forêt, sujet d’actualité, continue ainsi d’être au cœur des réflexions d’artistes. Ils nous révèlent une biodiversité et les particularités des forêts, fragilisées, certaines en train de disparaître. Comme une alerte et annonce d’un possible devenir, sur le pourtour d’une rotonde, dans l’atrium du musée, textes et photographies présentent le projet au long cours Renaissance d’une forêt primaire en Europe de l’Ouest de l’éminent botaniste Francis Hallé, auteur du manifeste Pour une forêt primaire en Europe de l’Ouest, publié aux éditions Actes Sud. Il est temps de s’investir et de promouvoir la défense et l’avenir de nos forêts. L’installation vidéo Pleasant Places de Davide Quayola nous invite à contempler un paysage de campagne provençale, celui qu’aurait pu apprécier et représenter le peintre Vincent Van Gogh. Du réel vers le numérique, cette œuvre vidéo projetée dans un espace circulaire nous convie, pendant un moment, à apprécier le temps de la nature.Conçue en plusieurs chapitres, comme une histoire des forêts et des relations que nous entretenons avec elles, cette exposition nous propose de cheminer d’une œuvre à une autre, d’une période artistique à une autre : une incitation à ouvrir nos yeux pour admirer différentes forêts, milieux propices à l’attention et à l’imaginaire. Il s’agit d’aiguiser notre regard pour apprendre à les redécouvrir et à prendre conscience de leur recul progressif… Comme pour nous accueillir, l’œuvre d’Henrique Oliveira, en bois de tapumes (bois des palissades des chantiers de São Paulo) et pigments, apparaît comme une greffe qui s’insère dans le mur. Dans le premier chapitre, « L’arbre qui cache la forêt », c’est d’abord les arbres qui intéressent les artistes. Ils s’attachent à représenter les feuilles, les troncs, l’environnement forestier… Tout au long du parcours, des regards de botanistes, d’écologues ponctuent les œuvres, nous livrant ainsi une autre lecture de celles-ci. L’installation La Siouva de Cécile Beau, réalisée en collaboration avec Anna Prugne s’apparente à la fois à une souche de très grande taille et à un étrange animal. Elle fait écho aux explorations de forêts denses, là où notre regard nous joue parfois des tours. John Constable, Gustave Moreau, Théodore Rousseau, ces peintres se sont prêtés à l’exercice de représenter des arbres et des forêts. Rappelons que dès le XIXe siècle, les artistes furent les premiers défenseurs de la forêt. Le mouvement se perpétue aujourd’hui avec l’association Forest Art Project , qui organise des expositions et des conférences autour des arbres et de la forêt primaire. D’autres artistes contemporains en dévoilent une vision plus rapprochée : à travers le réseau dans les œuvres de Javier Pérez, des empreintes de feuilles réalisées par Giuseppe Penone et la lumière dans l’œuvre de Marc Couturier, entre autres.
« Le bois sacré », celui des druides, des dieux constitue le deuxième chapitre de cette exposition. L’installation de Gilles Barbier fait écho au désir d’habiter en forêt, de s’y refugier. Dans le film Avatar de James Cameron, l’arbre-maison apparaît également comme le lieu où se retirer et s’abriter. Au fur et à mesure de cette promenade, de cette exploration, récits, mythes et histoires liés aux arbres vénérés se découvrent… ainsi que l’histoire de nos relations aux arbres. La forêt peut également être le lieu de craintes où l’obscurité trouble notre perception. Ces sensations ne sont-elles pas dues à notre perte de contact avec elle ? Il est temps de retourner en forêt pour comprendre cet écosystème. Dans le chapitre « La forêt hantée », les trois troncs d’arbres moulés par Mariele Neudecker créent une atmosphère étrange qui rappelle celle de milieux dans lesquels nous pouvons nous sentir très petits à côté des arbres, ces géants des bois. Dans son installation multimédia Albion, Mat Collishaw fait surgir un arbre mystérieux, fantomatique, un chêne maintenu par des tuteurs…
« La forêt enchantée », quatrième chapitre, est celle des contes, de nos imaginaires, celle qui nous fait rêver. De Gustave Doré à l’illustration contemporaine jusqu’au jeu vidéo, la forêt est propice à l’invention de légendes. Comme pour clore ce parcours, l’installation digitale immersive Catharsis de Jakob Kudsk Steensen nous plonge dans une forêt ancienne, recréée à l’aide de textures et de sons 3D qu’il a récoltés dans les forêts nord-américaines.
Chacun pourra trouver dans cette exposition de quoi satisfaire son envie d’ailleurs, d’explorer des milieux forestiers. Récits et écrits scientifiques font part de leurs spécificités et de ceux qui les habitent. Si aujourd’hui les artistes, parfois œuvrant aux côtés de scientifiques, accordent une grande importance aux forêts, il est évident qu’il devient nécessaire d’apprendre à les respecter. Certaines œuvres impliquent un temps long pour observer les détails et éléments cachés dans les bois, patrimoines naturels de certains territoires. Nous pouvons alors parcourir ces forêts et songer aux êtres vivants qui les habitent… Remarquons notamment l’investissement du Palais des Beaux-Arts de Lille en matière d’éco-responsabilité. La scénographie est ici réalisée à partir d’un réemploi d’éléments de celle de l’exposition Expérience Goya.
La Forêt magique propose ainsi un cheminement propice à l’attention, à la connaissance, à la curiosité et à l’imagination. En sortant, naîtra possiblement une envie d’aller en forêt et de relire des récits : des expériences qui nous engagent à les considérer comme les lieux indispensables à la vie des êtres vivants et à la bonne santé de notre planète.