Laurent Mareschal — Centre d’art La Maréchalerie, Versailles
Sa visite de l’espace de la Maréchalerie et sa découverte d’une lettre écrite par Fénelon à destination du roi Louis XIV ont inspiré ses deux installations. Plongé dans une lumière noire, le centre d’art La Maréchalerie est métamorphosé par le dessin d’un chemin d’arches en bois et de cordes peintes, en réponse à la baie vitrée du bâtiment. Il s’agit pour lui de rejouer « la mise en scène du pouvoir à travers l’architecture ». En se référant aux tentatives du Roi Soleil de faire entrer la lumière à Versailles, Laurent Mareschal crée un espace d’abord attirant, de l’ordre du spectaculaire ou du festif ; il suscite progressivement l’envie de comprendre l’ordonnancement du maillage. Guidés, nous sommes également pris au piège dans cet étroit dédale. L’atmosphère étrangement lumineuse impose une certaine adaptation et nous fascine : nous prenons plaisir, pendant un moment, à pénétrer dans un monde virtuel ou lieu de rêverie. Son installation nous invite alors à un parcours vers l’inconnu.
Conduits vers une salle blanche, nous devons adapter notre regard à une nouvelle lumière. Au sol, des billes noires composent un message codé, un texte en braille inaccessible. Face à cette œuvre intitulée Lettre à l’aveugle, telle une énigme, nous prenons le temps de méditer. L’artiste n’en est pas à sa première installation relevant d’une certaine fragilité. Beiti, en 2011, consistait en un sol composé d’épices. Model Home, en 2012 était conçue en grains de sucre bruns. Ici, chaque bille ne correspondrait-elle pas à un individu ? Ne serait-elle pas le point de départ d’une potentielle architecture à venir ? Toute construction, toute décision politique, influence grandement l’état du monde. La lettre de Fénelon adressée à Louis XIV est toutefois transcrite dans le document de visite qui nous est livré en arrivant dans l’exposition. À nous de prendre le temps de la lire afin de découvrir les faits qui ont marqué l’histoire de France : le roi, aveuglé par son désir de grandeur et de domination, ne tenait pas compte des besoins de son peuple. De nos jours, la question du pouvoir est de plus en plus d’actualité et il devient nécessaire de s’ouvrir sur les transformations de la société.
Contraints de revenir sur nos pas, dans cette étrange lumière bleutée, nous éprouvons une sensation à la fois d’émerveillement et de malaise. Enfin, de retour à la vie urbaine, nous retrouvons la lumière du jour. Nous sommes alors incités à prendre conscience de la puissance des bâtiments, qui parfois impressionnent par la richesse de leur décor.
La lumière nous éclaire, nous éblouit tout en nous empêchant parfois de percevoir la réalité. Par opposition, l’obscurité renvoie au domaine de l’inconnu, de l’invisible et fait surgir des peurs enfouies au plus profond de nous. Les installations de Laurent Mareschal nous amènent à songer à notre condition d’individu, parfois forcé de suivre des chemins déjà tout tracés. Tout ne tient qu’à un fil ou à une décision politique… Il nous est alors nécessaire d’ouvrir les yeux afin de percevoir que nos déplacements sont dirigés par des décisions émanant de plus haut. Sortis de l’obscurantisme, nous pouvons être à l’écoute de ce qui se passe au-delà de nos lieux de réconfort.
Ainsi, l’exposition Soleil noir propose une expérience semblable à celle d’être dans un labyrinthe, lieu d’une quête et d’un plaisir ambigu, celui de se perdre pour finalement retrouver son chemin.