Lázaro Saavedra — Galerie G.P. & N. Vallois
Depuis son Cuba natal, Lázaro Saavedra se joue des codes et symboles des grands blocs politique de la fin du siècle dernier. Considéré comme l’un des chefs de file de la vie artistique cubaine, il expose depuis plusieurs années sur la scène internationale en participant notamment à la Biennale de Venise en 2013. La galerie G.P. & N. Vallois lui consacre une première exposition personnelle en France, l’occasion d’apprécier cet art engagé qui s’empare des signes et propose des détournements pleins d’irrévérencieuse allégresse.
« Lázaro Saavedra — Pensamiento Visual », Galerie G-P & N Vallois du 20 mai au 10 juillet 2016. En savoir plus Si certaines de ses œuvres frôlent parfois la simplicité, Lázaro Saavedra ne franchit jamais la barrière du manichéisme facile et conserve toujours une dimension de drôlerie cynique qui allège, tout en l’ouvrant, son regard. À l’image de sa vidéo qui le confronte à un alter ego dont le désintérêt cinglant après avoir appris les limites de la reconnaissance dont il jouissait. De par sa répétition, la courte séquence provoque inévitablement le rire et, à sa suite, une certaine empathie pour ce dénuement et sa simplicité.L’artiste développe ainsi un véritable langage où les symboles se rejoignent en une réflexion ludique et acerbe sur le monde comme il va. En usant de médiums multiples, le dessin, la peinture, la vidéo ou encore l’installation, Lázaro Saavedra s’empare de l’espace de la galerie pour installer un territoire mental, fait d’images et de messages qui oscillent et font vibrer l’incertitude de l’artiste. L’exposition s’ouvre ainsi sur un double message inscrit à même le mur, « morir por el arte es vivir » (« mourir pour l’art c’est vivre ») et « vivir del arte es saber vivir » (« vivre de l’art c’est savoir vivre »), une évolution qui, en même temps qu’elle semble traduire une certaine forme de désillusion, maintient une ambiguïté qui dépasse le simple cynisme. Les deux graffitis surmontent en effet un message antérieur effacé, laissant le champ libre à l’interprétation, mais surtout à l’évolution possible du regard dans le temps. Cette exhortation à l’ouverture semble trouver ainsi son illustration dans le schéma des pièces constituant une automobile américaine, formée d’éléments issus de nombreux pays, réunissant dans ce symbole de l’« american way of life » un concert de nations pas forcément portées sur sa célébration. Mais cette Chevrolet 1955, relique du passé de l’automobile est aussi un véhicule qui fait partie du folklore d’un Cuba qui continue de voir rouler, pour le plus grand plaisir des touristes, ces modèles d’un autre temps. Avec sa série de peintures Sponsor, Lázaro Saavedra reproduit les logos de marques partenaires d’expositions passées, organisant une farce aigre-douce qui déstabilise, jouant autant de l’ambiguïté de la peinture de commande, de l’appropriation et de la critique frontale.
À la hussard pourrait-on dire, cet artiste expérimenté tente ses coups, entrouvrant chaque fois la porte à l’essai suivant. Ce sont alors ses « hombrecitos » qui prennent le relais, de petits personnages dessinés grossièrement qui viennent porter leur regard sur sa propre création, que lui-même n’hésite pas à mettre en scène, comme lorsqu’il imagine un détecteur d´idéologie qui voit son aiguille s’affoler à mesure que l’on s’en approche. Derrière l’apparente objectivité d’un mécanisme indépendant, Lázaro Saavedra souligne la manipulation nécessaire de toutes les tentatives de catégorisation discriminante.
Dans ce foisonnement de propositions autant que dans l’énergie déployée, il y a quelque chose qui fait mouche et contribue au charme rusé d’une création définitivement libre. En s’emparant de ces objets du quotidien, l’artiste poursuit son désir de formaliser un art populaire, qui part du peuple et parle au peuple, célébrant cette possibilité d’un partage tout en permettant d’en questionner les conditions.