Olivier Ratsi — La Gaîté Lyrique
Autour de l’anamorphose, la Gaîté Lyrique propose une exposition d’Olivier Ratsi qui use de la lumière pour concevoir un dispositif qui, s’il agit, parfois, sur les sens, ne dépasse malheureusement pas la surface et glisse tout aussi vite sur son sujet pourtant passionnant. Manque d’ambition, manque de moyens peut-être mais surtout accumulation de signes censément distinctifs qui tourne à la parodie d’art contemporain, dédaignant l’effort même d’articuler un argumentaire de son projet. Dans quel but, à quelle fin ou à tout le moins quel enjeu accompagne la volonté d’ « interroger nos perceptions sensorielles ? »
Olivier Ratsi construit en effet ici une atmosphère sonore autour de tubes de lumière installés en un amas abscons qui ne trompe plus l’oeil de personne, la bande-son diffuse une basse continue aux vibrations « futuristes » si eighties que l’on espère se trouver face à un travail plein d’humour. Les projections, sur le plan visuel comme sur le plan sonore pillent allègrement au vocabulaire minimaliste ses expériences géométriques (les travaux argumentés et bien plus armés conceptuellement de Dan Flavin d’abord mais aussi plus récemment d’Ivan Navarro pour citer les plus évidents) et renvoient le concept d’immersion spatiale cinquante ans (pour ne pas dire plus) en arrière. Sans en mettre en perspective à aucun moment l’histoire, sans même sembler se soucier d’une continuation ou d’une référence au monde de la création ; nous voilà entrés dans une bulle hors de toute sphère culturelle, malheureusement imperméable à toute culture…
Le goût pour une esthétique surannée aurait pu constituer un parti-pris fort certainement mais il se heurte ici à la pauvreté conceptuelle d’une démarche qui agrandit ses dimensions et pousse les clichés du gigantisme pour tenter le minimum d’effet. Même après des mois de confinement, aucun autre affect ne naît que celui d’entendre du son poussé à fort volume multipliant les effets de manches, miroirs et autres basses vibrantes pour s’offrir à peu de frais une « exposition » qui empile les clichés et désarme devant toute volonté d’intelligence. Face à cette faiblesse réflexive, même le contrepied d’une vanité contemporaine assumée aurait pu tenir.
Le visiteur, sans arme, se voit abandonné face à des installations sans autre profondeur que celle d’imaginer une vue d’exposition flatteuse, et « l’exposition — expérience » se fait peut-être sur lui, devenu produit susceptible d’en diffuser à son tour les images sur les réseaux sociaux de ce grand vide et perpétuer ainsi un cycle abscons d’apparat communicationnel. Une vanité contemporaine.
Un décorum certes idéal pour les mises en scène de soi mais qui échoue à pousser la moindre réflexion sur sa matière même. Sans lumière, immergé dans une vapeur factice, le corps perd ses repères. Une trouvaille. L’exposition, elle, ne l’est pas plus et, assurément, l’artiste, on l’espère, bénéficiera une prochaine fois d’un accompagnement beaucoup plus soutenu conceptuellement.
Olivier Ratsi, Heureux soient les fêlés car ils laisseront passer la lumière, La Gaîté Lyrique, du 19 mai au 31 octobre 2021, de 6 à 10 euros, du mardi au vendredi : 14h — 20h, les week-ends : 12h — 19h