Sophia Fassi — Galerie Berthet-Aittouarès
Une peinture libre qui, derrière son goût pour le classicisme et son aisance à en user pour offrir une grille de lecture du monde contemporain, se révèle dans ses ruptures de rythme, ses modalités de jeu avec le réalisme, choisissant par endroits d’opérer des raccourcis dans l’illustration et alternant même les traitements d’une figure à une autre dans un même tableau. Volumes et masses se font ici vecteurs d’expression et les angles saillants, évoquant la modélisation numérique installent un décalage singulier à ces scènes quotidiennes pour en faire l’album d’images d’une vie. C’est ainsi de regard qu’il est question, de ces cadres fugaces qui se dessinent sur le bord d’un trottoir, dans l’angle d’un wagon. S’impliquant autant qu’elle implique le spectateur, elle fait de chaque composition la découpe d’un monde qu’elle nous engage à regarder plus qu’à voir, à envisager comme pour mieux en embrasser les douleurs silencieuses, les beautés muettes et les fractures apparentes.
Si elle laisse la place, à travers une douce naïveté des angles marqués, à l’interprétation, les fulgurances issues de certains de ses tableaux, à l’image du bras presque irréel au premier plan de La Coiffure réinventent leur propre style et la fonction même de sa représentation. Ancrée dans l’universalité de la figure humaine et résolument contemporaine, la démarche de Sophia Fassi, en construction, prend ainsi résolument son envol dans l’accélération du geste, dans le saut de l’expression.
Dans la quiétude d’un geste simple comme dans l’inquiétude gravée au creux d’un regard, c’est chaque membre du corps qui renaît et porte en lui cette intensité rare qui participe à l’ambiguïté riche de ces saynètes volées. Réalités envolées qui, de cette manière, parlent du bout du monde comme du bord de la rue.