The voulez vous chaud à la galerie Emmanuel Perrotin
Doué d’une force de travail dantesque, ce collectif qui s’était illustré dans l’art de repousser les limites de l’idiotie en multipliant, au long de performances jubilatoires et largement empreintes de mauvais goût les actions absurdes, revient aujourd’hui avec une exposition presque conventionnelle. Si ce n’était leur talent de faire tomber les limites du sens…
De la drôlerie scatophile et monumentale ne reste ici que le suc essentiel, la capacité de ce collectif à se plier au jeu de l’exposition. Seules deux séries d’œuvres sont présentées dans the voulez vous chaud. Un titre loin de figurer une hypothétique question ou même une permission ; les Gelitin s’emparent des cimaises de la galerie Perrotin sans faire de manières et exhibent sexes, matières fécales, corps suggestifs dans des collages surréalistes où les matières amalgamées viennent s’agglutiner pour figurer des œuvres organiques peuplées de fantasmes, de fantaisie autant que de banalité.
Car c’est là la grande force des Gelitin que d’avoir cerné cette frontière infime entre le plaisir de choquer et le plaisir en soi. Devant, derrière, les images de sexualité n’ont rien de la simple provocation priant les âmes sensibles de s’abstenir. Ici au contraire, tout n’est que sensibilité, rappel du corps, délire de la matière, désir de la représentation, obsession d’imaginaires capables de voir dans chaque objet la possibilité du jeu érotique et, partant, d’un nouveau rapport aux sens.
Ça sexualise, ça « fécalise » dans la joie et la parade, détournant les scénettes légères en leur adjoignant l’utopie d’une possibilité d’amour, d’un monde où chaque signe est un sexe, où chaque élément devient sensuel ; la représentation d’un monde où l’excès se fait loi. Parallèlement à ces collages sont montrés des tableaux comme autant d’agglomérats de plastilline, de couleurs emprisonnés dans des morceaux de bois. Surmontés d’un œil en plastique, ces profils inouïs parviennent à atteindre une réelle force et justifient ainsi la proposition d’une exposition moins explosive qu’à leur habitude. Sans pour autant tomber dans une révolution formelle, cette tendance naissante, ce style, continuent de maintenir l’indifférenciation du collectif, brisant encore, dans la facture aléatoire des objets, dans leur joyeuse imbécillité, tout retour vers une « vision » de l’artiste ; la subjectivité continue encore et toujours d’être noyée sous l’apparent plaisir de la matière, sous le feu des couleurs semblant dicter d’elles-mêmes les compositions.
Sans autre revendication que créer, expérimenter, vivre dans la joie et le montrer, les Gelitin parasitent en réalité l’obscénité en la saturant d’un bel outrage, en la coulant sous leurs propres contradictions ; celles d’artistes absolument libres dépendants de leur liberté autant que du plaisir de se mettre en scène dans leurs œuvres. Dépendants finalement de la joie autant que de son exhibition.