Vieilles coques et jeunes récifs — Frac Île-de-France, Paris, Romainville
Le Frac Île-de-France présente avec Vieilles Coques et jeunes récifs un parcours constellé de démarches sensibles qui évoquent les épreuves des corps et célèbre l’hétérogénéité des réels, se réglant sur la capacité de chacun à s’inventer sa fiction personnelle face aux attendus d’un monde de la représentation.
« Vieilles coques & jeunes récifs », Frac île-de-france, le Plateau du 16 mars au 21 juillet. En savoir plus Résolument non-critique et accueillant, il pose dans la question même de l’exposition la contrainte de sa fragilité qui s’accorde avec la liberté d’un commissariat d’exposition plus travaillé par l’attention portée aux artistes invités qu’à un sens de la construction programmatique et une problématisation structurelle des enjeux. Un parti-pris qui, s’il peut interroger autant sur sa forme que sur son fond, a le mérite de laisser entrevoir une certaine ouverture.Encourageant à penser chaque corps comme un système capable d’inventer sa manière d’exister, il fait de la communauté des singularités une règle qui demande au spectateur une même bienveillance pour dépasser certaines apories de travaux à la symbolique un peu trop marquée. A travers la vingtaine d’artistes présentés et les deux espaces d’expositions du Frac Île-de-France, il fait rayonner des œuvres très différentes qui fonctionnent comme autant d’îlots réflexifs plus que comme des membres liés. La métaphore du titre et son ouverture jouent à plein et cette « archipélisation » devient concrète tant les thématiques, les centres d’intérêt, les modes de production et les questions soulevées par les artistes invitées diffèrent. Un reflet là encore, dans la construction, d’un rapport au corps et à sa performance qui gagne à se voir aussi éclaté que la multitude de réalités qu’il charrie.
« Vieilles coques & jeunes récifs », Frac île-de-france, les Réserves du 16 mars au 21 juillet. En savoir plus En se concentrant sur ce que le corps sent plus que sur ce qu’il ne peut, sur la manière de s’inventer un « soi » plus que les conditions de sa représentation, le prisme choisi fuit la confrontation et le hiatus pour privilégier des affinités électives qui laissent transparaître la valeur forcément aléatoire de tout jugement définitif. Au risque alors d’araser la réflexion d’ensemble, Vieilles coques et jeunes récifs nous cloue avec une énergie volontaire à l’horizon concret des vécus de chaque artiste, forçant le visiteur à expérimenter chaque fois nouvelle une « rencontre » avec l’œuvre à suivre.Le choix même d’une scénographie oscillant entre transparence ouverte et espaces clos se fait le reflet d’une ambiguïté constitutive où la pudeur et le fil affectif soulignent cette véritable attention et rendent un écho logique à ces travaux qui, par touches, questionnent la valeur de la performativité en contrecarrant notre idée de l’efficacité.
Le parcours, s’il détourne de façon salutaire les attendus de normes sociales concomitamment aux Jeux Olympiques, reste ainsi glissant et pourra sembler parfois manquer de liant et flirter avec l’écoute de nombreux soi qui ne formeront communauté qu’aussi longtemps qu’ils chemineront à coté. Mais il laisse dans le même temps, et c’est peut-être le principal, entrevoir par sa générosité et sa diversité les entrailles d’un moteur activé par les effets de corps ; des corps comme des coups d’éclat qui, quoiqu’il en coûte et quoiqu’on en pense, ont le mérite de s’exposer.