William Wegman — Galerie GP & N Vallois
La galerie Georges-Phillipe et Nathalie Vallois nous propose de découvrir l’œuvre méconnu en France de William Wegman, figure de l’art conceptuel américain qui déploie depuis les années 1970 une création décalée où la représentation du chien sert de boussole à une exploration des systèmes comportementaux qui structurent l’être humain.
« William Wegman — Agility conceptuelle / Spaces of Species », Galerie G-P & N Vallois du 9 décembre 2022 au 28 janvier 2023. En savoir plus Relationnel, ludique, son œuvre engage le regard de l’autre autant qu’il le pousse à opérer un décalage qui l’emmène, à sa suite, au cœur d’une logique alternative. Sa pratique, souvent photographique mais débordant largement ce médium pour toucher peinture, vidéo, déploie au long de l’exposition une multitude de formes qui, si elles peuvent décontenancer par leur variété, se retrouvent dans un souci constant de construction et de cohérence en série qui nous fait traverser des « moments » de création plus que des étapes. Le ludique, au cœur de la démarche, autorise cette capacité à réinventer en continu le fonds de son exploration. Ici, le partage prend le pas sur l’apprentissage ou, bien plutôt, l’échange supplante la pédagogie pour illustrer un « entrainement » mutuel de l’artiste et de son œuvre dans une action qui prend corps.Derrière l’humour, derrière le jeu de mot apparaît surtout une attention profonde à la mise en scène, un choix esthétique d’une force intense où la sobriété souligne la force plastique du sujet.
L’attention et l’application tranchent avec la légèreté. Peinture classique et esthétique publicitaire se croisent et conjuguent dans les portraits de chien pour rejoindre une forme d’objectivité qui fait trembler les lignes de démarcation de la représentation ; la somme de portraits et l’évolution des médiums abordés dénote-t-elle une application méthodologique, une passion amicale, un amour fraternel, un chaleureux élan de Pygmalion ?
L’exposition maintient le doute pour souligner avec force l’indécision constitutive de la démarche de Wegman, ce « jeu » qui laisse chancelantes les lignes d’un œuvre dessiné par la relation même du modèle avec l’artiste. Le classicisme et l’évocation par Martin Bethenod, chef d’orchestre de cette présentation, du chien dans l’histoire de l’art, de Carpaccio à Picasso n’a rien d’innocent. Le « maître », ici au sens propre, devient partenaire de son sujet pour tenter, à ses côtés, de mettre en scène les liens qui les unissent dans un mouvement empreint de leur singularité. Sur le modèle de l’amitié choisie de Montaigne et La Boétie, William Wegman et ses braques créent une fixation formelle de leur relation en mouvement.
L’étrange familiarité de l’image fait alors s’écrouler sous nos pieds la structure des attendus pour creuser, avec un flegme bien moins sarcastique qu’il ne semble, le vertige des failles qui habitent la perception de ce qui fait notre propre identité.