Yasuaki Onishi — Galerie Virginie Louvet
La galerie Virginie Louvet propose une exposition radicale, confiant son espace à l’artiste japonais Yasuaki Onishi qui invente entre les murs de l’exposition un espace de déambulation lourd d’un retournement de la gravité.
Reverse of Volume, comme son nom l’indique et dont l’œuvre présentée ici appartient à la série éponyme, invite le spectateur à renverser son regard sur le monde matériel qui l’entoure. Au contraire d’un horizon, d’un accident qu’il nous faut surmonter, la montagne devient ainsi ici un ciel qui nous surplombe.
« Yasuaki Onishi — Reverse of Volume », Galerie Virginie Louvet du 16 mai au 21 juin 2018. En savoir plus Car Yasuaki Onishi (né en 1979) travaille en négatif, il fait couler ce qui s’élève et briller ce qui soutient. Sur de minuscules filins fixés au mur, il applique de la colle à l’aide d’un pistolet une colle noire qui vient recouvrir une structure première recouverte d’un voile. En ôtant dans un second temps cette base matérielle, le voile révèle un espace en creux qui contient en lui le souvenir d’un objet, désormais disparu. Une mémoire en suspens des formes qui apparaît ici comme le support d’une écriture secrète et silencieuse, faite de caractères dessinés par la gravité, cette somme inouïe d’accidents qui ponctuent sa chute organisée.Ce qui recouvrait devient, par l’acte de retrait de la forme initiale, ce qui découvre, qui délimite et dessine les lignes de l’absence. Derrière son efficacité visuelle incontestable, ce geste cache également un véritable univers esthétique et mental fait de doute, de questions posées directement au monde, ici à l’une de ses manifestations les plus ancestrales, la formation de reliefs, par jeux de rencontres des plaques tectoniques, elles-mêmes constituant un envers de la terre que l’on habite.
La méthode de production de l’artiste, en s’alliant à la la force de gravité devient alors une perspective matérielle qui donne sa forme à l’œuvre. La peinture au pistolet piège en quelque sorte les codes de la nature pour figer dans l’espace sa propre chute, comme défiant le temps et figurant un réseau anarchique de vaisseaux qui relient la matière à l’éther de l’atmosphère. En ce sens, l’œuvre de Yasuaki Onishi s’empare avec une poétique du retournement de la grande dualité platonicienne des Idées pour en dessiner une résolution, la forme figée, animale d’une mue des éléments du monde dont l’artiste nous révèle un spectre débarrassé de ses qualités secondaires. Pure forme reliée à l’univers par des liens-lignes dessinant à leur tour de nouvelles dimensions dans l’espace, un projet cosmique et pourtant diablement sensible qui offre ici une expréience visuelle aussi gratifiante que grisante.
Mais surtout, plus qu’un simple coup, qu’une technique apte à transfigurer toute œuvre qu’il passerait au crible de son filtre négatif, Yasuaki Onishi témoigne d’une véritable recherche au long cours sur la matière, les tableaux qui accompagnent l’installation en témoignent, figurant à leur surface un mélange complexe qui absorbe et réfracte la matière.
En ce sens, la galerie Virginie Louvet offre une vitrine à un artiste exceptionnel qui donne à voir une œuvre aussi généreuse, accessible et poétique qu’empreinte de profondeur, de mystère et d’ancrage dans l’histoire de l’art, mêlant les univers visuels et mentaux pour inventer sa dialectique de l’espace, par l’évidement et la révélation de l’invisible.