Édito Trois
Comme une ritournelle que l’on rêve chaque année de voir enfin se libérer et accomplir pour de bon toutes ses promesses, octobre est revenu et, avec lui, sa cohorte de foires et d’événements « exceptionnels » maquillant la capitale en un gigantesque champ dévoué à l’art moderne et contemporain. Une euphorie en trompe-l’oeil qui ne cache plus la difficulté des galeries parisiennes autant que des institutions à suivre le rythme. Et, indubitablement, la Fiac a prouvé cette année encore la détermination de ses organisateurs à en faire un événement incontournable pour les professionnels de l’art. Mais à quel prix ? Si l’on ne peut que reconnaître la qualité des pièces présentes sur les stands, difficile de ne pas sentir dans l’air une certaine réticence à la prise de risque, à la folie et à la joie qui pouvaient habiter certaines éditions précédentes. Et ce n’est pas le rétrécissement à la seule nef du Grand Palais qui pouvait changer la donne, même si l’ouverture de nouveaux espaces à l’étage a apporté un vent de fraîcheur à cette édition. Alors, comme chaque année, on n’aura finalement pas été surpris ; la Fiac s’affiche comme la reine tranquille des foires françaises.
Impossible pourtant d’effacer ce sentiment tiraillé entre la chance d’avoir eu accès à de fantastiques œuvres et le regret de les voir ainsi arrachées à leurs pouvoirs de dialogue et de création, avec nous comme avec d’autres pièces. reste à espérer que de tels moyens soient un jour déployés vers un autre pan de la création contemporaine, celle qui bouscule, celle qui découvre et celle qui s’aventure. La Fiac n’est pas une exposition et, si elle rend bien à Paris une place de choix sur le marché de l’art, elle laisse un terrain d’expérimentation à défricher, celui de la création. Alors, derrière les apparats et les tractations sans fin des foires en tout genre, le moment est venu de prendre le temps de se concentrer sur la parole des artistes, et tout particulièrement sur celle de Mircea Cantor (fraîchement récompensé par le Prix Marcel Duchamp), que Slash a rencontré à l’occasion de sa très belle exposition au Crédac, plaidant pour l’urgence de « penser plus à l’imagination qu’aux images ». Laissons donc aller cette ritournelle et accrochons-nous à la création, autrement plus enivrante que la fête du marché de l’art, qui reviendra, c’est certain, l’année prochaine.