
Cristina Almodóvar — Galerie Dutko, Paris
À la galerie Dutko, Cristina Almodóvar orchestre une poésie visuelle entre ombre, lumière et matière. Ses sculptures aériennes dialoguent avec l’espace et la nature, invitant à une immersion sensorielle dans un paysage entre végétal et minéral.
Entre cadre, hors-cadre, dessins et sculptures, ses œuvres nous engagent à aiguiser notre perception, à prendre le temps de nous laisser guider par les mouvements qu’elles incarnent. Au mur, sa série Les cadres, évasion suggère une certaine musicalité. On songe à la dispersion des feuilles, au bruit du vent, à la fragilité du vivant. Des formes organiques aux lignes fluides semblables à du feuillage entrelacé s’érigent. Plus en hauteur, observons d’autres œuvres qui se déploient et se dispersent telles des graines (série Pollen). Transparence, jeu de superposition, entre deux et trois dimensions, ses travaux, entre dessin et sculpture, sollicitent notre attention et aspirent à s’émerveiller face à leur pureté. Certains jouent sur l’ambiguïté entre la tenue, la fixité, l’imprégnation du matériau et la souplesse du fil. Sur d’autres, les lignes dessinées entrent en résonnance avec les textures du carton. Au-delà de la matière, son travail artistique nous transporte dans les airs, dans un moment où ressentir une brise légère, lors duquel des graines, des pétales se posent sur notre peau. D’autre part, face à l’installation Affleurement, réalisée à partir de plaques de cartons collées sur bois, nous pouvons ressentir le contact de la roche, et nous remémorer des paysages de rocs. Cristina Almodóvar travaille par couches successives de matières, à l’image des strates géologiques, des roches sédimentaires, de milieux rocailleux, entre force et fragilité.
Plus loin, sa série Immersion nous fait songer aux reflets de feuilles, à ces moments lors desquels contempler ces formes évanescentes. Racine, une sculpture en fer d’une branche et d’une racine espacées suscite notre interrogation. Un écart résulterait-il d’une fracture, d’une blessure, d’un détachement ? Renverrait-il à la lumière dont les plantes ont besoin pour croître et se développer ? Cet intervalle constitue un réservoir de possibles. Cette installation qui dessine des ombres portées interagit subtilement avec les murs de la galerie.
L’artiste nous invite à aiguiser notre perception face à ses œuvres où la matière du fer laqué s’affine pour devenir dessin à l’encre, gouache et graphite (Intersection). Une grande vitalité se perçoit également, un désir de liberté, d’évasion, de respirer et de se laisser attirer par les formes végétales qui se détachent parmi d’autres. Cristina Almodóvar accorde une grande importance au vide, à la respiration entre ses œuvres : des espacements qui renvoient au souffle. Les jeux d’ombre et de lumière prolongent les obliques ainsi que les formes de graines, de feuilles, dynamisant la surface des murs blancs.
Ses œuvres qui défient la loi de la gravité, incarnent un envol suspendu dans le temps. Nous nous évadons dans nos pensées, dans des lieux où s’émerveiller face à la beauté des formes végétales.
Cristina Almodóvar réussit avec grande élégance à attirer notre attention sur les changements d’état des plantes et des arbres et nous incite à apprécier leur cycle de transformation. Elle tend à exprimer le flux de pollens qui se dispersent dans les airs, la propagation des graines, porteuses de vie. Ses œuvres, qui cultivent le trouble quant à leur matériau, nous engagent aussi à prendre le temps de regarder au plus près et nous captivent.
Son exposition invite à tisser des relations entre les œuvres, à se projeter dans toutes sortes de paysages où percevoir des tremblements, de légers mouvements des végétaux, branches, matières minérales et terreuses, en réaction aux vents ou à d’autres conditions atmosphériques.