Dana Michel et Yoan Sorin — CAC Brétigny
Le Cac Brétigny présente jusqu’au 15 décembre l’exposition Slash Universe, une collaboration entre deux artistes dont les routes se croisent depuis plusieurs années et qui dessinent pour la première fois un projet commun.
Autour de griffonnages minimalistes synthétisant une action, par exemple « Se regarder pendant que des objets tombent », Dana Michel et Yoan Sorin font de l’économje de la simplicité la base d’un mode opératoire qui passe par les sens. Une simplicité à l’image d’un projet qui met en jeu les corps de deux experts (l’une est danseuse professionnelle l’autre plasticien et sportif aguerri) de la performance pour interroger la place du silence, du néant et du temps, quitte à faire de l’expérience une modalité de la déception. Car en leur absence, les deux artistes laissent dans le centre une béance en forme de point d’interrogation. L’exposition n’apparaît en premier lieu que comme un moment transitoire entre trois performances qui la modifient et pourtant, le spectateur peut à son tour y entrer.
Et de fait, avec ses maladresses et ses approximations, avec les aléas et l’absence absolue de fil cognitif, s’éloignant même de tout intérêt démonstratif et reléguant le spectacle à la perception de l’échec, le duo, dans sa représentation initiale, n’appelle à rien d’autre qu’à l’empathie, reléguant au second plan l’idée même de « performance » pour mieux entrer dans un « faire », une pratique dont on salue finalement la réalité plus que la réalisation. L’écriture, le temps semblent être mis à distance dans une confrontation qui engage la patience du spectateur déjà entraîné, face à la représentation, à se représenter lui-même.
Cette liberté, clairement sur le fil et narguant les enjeux essentiels de l’art pourrait, s’il n’était ce sens du ridicule et de l’outrance de l’absence radicale de préparation et d’enjeu, flirter avec la pure vanité. Mais les corps, maltraités et malhabiles, incapables, dans leur effort de composer quelque « efficace » que ce soit, nous renvoient à un arasement des différences qui constitue la pure invitation à la projection du quiconque, du n’importe quoi dans la satisfaction égotique du geste, dans la liberté de s’approprier la libération du faire, pour être un tant soit peu.
Dans un univers où l’absurde côtoie une réalité inquiétante, où la fiction se frotte au mutisme, les traces de cette performance gisent ainsi au milieu d’objets en berne. Comme l’alternative à notre propre univers que sous-tend son titre, l’exposition Slash Universe dessine ainsi le décor d’un autre monde, d’un autre système qui nous invite, à notre tour, à l’aide de principes simples, à nous projeter dans un jeu de rôle.
Les matériaux modestes et leur fabrication simpliste révèlent alors toute leur richesse parce que construits, parce que portés, et suffisent à faire signe pour laisser place à la narration, la nôtre cette fois, le soin d’habiter ce lieu. Une régression vers le geste comme une promesse de bonheur qu’il nous appartient d’accepter ou non.