Ryan Gander, Make Every Show Like It’s your Last — Le Plateau
La générosité et la prolixité de Ryan Gander ne manquent pas d’intriguer ; présentée jusqu’au 17 novembre 2013, cette première exposition personnelle de l’artiste dans une institution parisienne tient ses promesses et offre une plongée dans un univers à part.
Commandée à une agence de communication par l’artiste se faisant passer pour un fonctionnaire du gouvernement britannique, cette production aux allures de campagne nationale tente de valoriser l’imagination. Le résultat de ce placage d’une idée ouverte sur un mécanisme simple (la communication publicitaire) ? Une accumulation de clichés et de messages douteux sur la vertu supposément enfantine de l’imagination. Pourtant, l’effet est là, Ryan Gander questionne, à travers ses trouvailles, la possibilité d’une création artistique dans la société. Sans ironie mais non sans malice, c’est également le spectacle qu’il propose aux visiteurs qui devient objet de réflexion. Magnus Opus, un dispositif fait de deux yeux plantés dans le mur réagit aux mouvements du spectateur. Mimant des attitudes humaines, les gros yeux paraissent scruter, interroger ou même feindre d’éviter notre regard. Observateur observé, l’effet miroir agit et invite le spectateur à questionner la place de l’artiste, son intention et sa propre participation. De la sorte, Ryan Gander propose une véritable immersion, un saut dans l’étranger qui est également sa manière d’appréhender le monde.
Dans ce subtil passage d’un art conceptuel à une trame plus autobiographique, Ryan Gander parvient à véritablement captiver. L’artiste se glisse dans les interstices de la création pour y insérer une forte dose de sa propre personnalité, mêlant à sa démarche de multiples éléments de son quotidien. Une légère simplicité à l’œuvre notamment dans les lampes qu’il réalise comme autant de cadeaux destinés à sa femme, petites créations bricolées à base de matériaux divers dénichés pour l’occasion au BHV en hommage au ready made de Marcel Duchamp ou encore les sculptures I is…, immortalisant dans le marbre les « cabanes » de fortune faites de chaises et de draps fabriquées par sa fille. Mais c’est lorsqu’il intègre ses propres limites que Ryan Gander offre un spectacle jouissif ; avec C++, une centaine de palettes accrochées au mur, ayant servi à la réalisation de peintures que l’on ne verra jamais, il fait de l’échec une œuvre monumentale. Chacune liée à un tableau au titre évocateur (qui relate bien souvent le moment ou le thème de la création), ces palettes s’accompagnent d’un fascicule qui fait office de catalogue et dessinent une narration intrigante, où les peintures ne sont plus réduites qu’à leur base chromatique, à l’outil témoin des stigmates de leur création.
Ainsi, d’une œuvre conceptuelle émerge une véritable cartographie d’émotions et une histoire secrète achevant en apothéose cette exposition « totale » qui parvient à nous plonger dans un univers où joie, invention et ouverture revisitent l’art conceptuel.