Édito Trente-cinq
Une Afrique, des Afrique
L’Afrique ne cesse, depuis le milieu du XXème siècle, de fasciner le monde de l’art et d’entretenir avec le public une relation ambiguë, où les promesses sans cesse renouvelées d’une visibilité accrue se sont multipliées à l’aune des déceptions et difficultés rencontrées. Au gré des modes et des saisons, l’art d’Afrique s’expose mais ne s’installe jamais vraiment de manière durable. Ces incompréhensions sont peut-être avant tout le résultat d’une mésentente et d’un problème fondamental de perspective ; l’Afrique, si elle est un continent, n’en est pas moins un formidable terreau de diversité que la généralisation, sans parler des fantasmes d’exotisme à bon compte, a probablement toujours réduite à une « altérité » unique. Reste que, si de nombreux artistes travaillent, sur la scène occidentale, autour d’histoires de pays africains avec une pertinence indiscutable, la visibilité reste réduite sur de nombreux artistes contemporains d’Afrique.
Afriques Capitales — 100 % @ La Villette from March 29 to May 21, 2017. Learn more Ancrée dans les mémoires, la grande exposition Les Magiciens de la terre avait, en 1989, révélé un pan méconnu de la création africaine, mais aussi encouragé les institutions du continent à organiser leurs propres événements, s’estimant pour certains lésés par des choix curatoriaux forcément incapables d’embrasser la totalité du spectre des créations. Point de repère dans l’histoire contemporaine de l’art, elle ouvrait une fenêtre privilégiée sur une scène que très peu d’expositions depuis n’ont su aborder avec l’intelligence et la compréhension qu’elle exige. Car d’art africain univoque, il n’est pas. L’art africain est à l’image du continent, vaste et divers, donc irréductible à sa seule source géographique et, par définition, exige le pluriel. « Des » arts africains donc. Il n’empêche, chaque tentative ouvre une fenêtre sur des territoires rarement sous le feu des projecteurs et révèle des singularités que l’on découvre avec joie, pour autant qu’elles ne répondent pas à des volontés de globalisation ou autres déterminations péremptoires. Art/Afrique — Le Nouvel Atelier @ Louis Vuitton from April 26 to September 4, 2017. Learn more Et, depuis l’an dernier, Paris semble parcouru à nouveau de cette volonté de faire la part belle aux artistes de ce continent avec une première édition de l’AKAA ainsi qu’un événement d’envergure à la Fondation Cartier, Beauté Congo, sous la houlette d’André Magnin, défricheur et fin connaisseur de l’art du continent et une grande exposition du photographe malien Seydou Keïta au Grand Palais. Cette année, tous les efforts passés semblent prendre forme avec une saison particulièrement riche emmenée par l’événement national Afriques Capitales, exposition qui se déroule simultanément à la Grande halle de La Villette à Paris et à la Gare Saint Sauveur de Lille et dont on vous dit beaucoup de bien ici. De même, la foire Art Paris Art Fair met cette année l’Afrique à l’honneur en invitant de nombreuses galeries spécialisées. Un mouvement qui n’échappe pas à d’autres institutions qui témoignent du débordement de l’art africain sur la mode et l’industrie du luxe comme en témoignent l’exposition à la Galerie des galeries, Le Jour qui vient, qui est, c’est à noter, accompagnée de tables rondes dans le cadre des Africa Now Talks. Fin avril, c’est la Fondation Vuitton qui accueille un grand événement constitué de trois expositions, Art/Afrique, Le Nouvel Atelier qui, si elle est à la hauteur de ses ambitions, pourrait bien constituer un tournant dans la perception de l’art d’Afrique.Une diversité de représentations, d’enjeux, de risques et de possibles réussites finalement enfin à la hauteur de la compléxité du sujet dont les belles résonances au cœur de la capitale trouveront, on l’espère, de véritables échos pour les années à venir.