1977 — Centre d’art de l’Onde, Vélizy
L’Onde de Vélizy propose avec 1977 une exposition qui célèbre les quarante ans du centre Georges Pompidou et insiste sur l’histoire mouvementée et polémique de sa construction à travers une scénographie audacieuse qui rejoue, avec sa structure imposante, l’implantation de ce bâtiment singulier au cœur de Paris.
Exposition : « 1977 » du 1 avril au 30 juin 2017. En savoir plus Une embûche qui agit directement sur les tableaux de Gérard Fromanger, placés derrière cette masse qui nous empêche de les apprécier avec un recul confortable, nous forçant à modifier nos habitudes de contemplation des œuvres d’art. Ici, nous sommes projetés à la rencontre d’un art qui était en train de se faire, qui inventait sa réalité en même temps qu’il redéfinissait ses conditions de monstration. Cette masse prend ainsi tout son sens à mesure qu’on la contourne et que l’on découvre les projets évoqués dans cette exposition. Sont accrochées également des affiches et autres couvertures de journaux liées directement ou indirectement à la création du centre. Ainsi la très belle œuvre de Raymond Hains Votez contre Pompidou, (1969) mais aussi cette image, presque surréaliste aujourd’hui, d’une place qui tenait lieu de parking à ciel ouvert dans le centre de Paris et qui allait devenir le centre nerveux de l’art contemporain en France.Plus encore, à travers des œuvres fortes, elle rappelle l’importance majeure du centre culturel et la liberté insolente de ses premiers pas qui allaient redéfinir la notion de musée à venir. Si l’on découvre avec joie le « mur du fond », ce projet ambitieux et presque secret dont l’Onde nous dévoile les tractations, enthousiastes et prometteuses . Ce mur se devait d’accueillir alors des projets d’artistes destinés à occuper un front marginal de l’institution avec pour objectif d’interagir avec les agents du centre, le personnel qui empruntait ces chemins de traverse plutôt que de créer l’événement. Une gratification et un axe de recherches qui dépeignent un âge où tout engagement institutionnel n’entraînait pas une communication glorificatrice, où l’investissement pouvait porter ses fruits par les soubassements d’expériences personnelles et de rapports intimes à son lieu de travail.
S’il est un peu court, le parcours cache en son sein une réflexion nourrie par le commissaire d’exposition, Yann Chateigné, autour de cette période d’effervescence intellectuelle qui pose les jalons d’une relecteure de cette histoire mouvementée qui dépasse les simples débats de société autour d’une architecture avant-gardiste auxquels on a souvent réduit le Centre Pompidou. 1977 nous contraint à poser sur l’art et l’histoire un regard de biais, qui embrassera donc son hors-champ, l’énergie d’une époque parcourue d’éclairs de la pensée. La somme de documents présentés, les ouvrages disséminés sous les vitrines sont surtout un moyen ingénieux de mobiliser une autre vision des évolutions du Centre Pompidou, victime consentante d’une marche forcée vers la rentabilité, suivant la pente annoncée de ce que l’époque et les courants de pensée qui ont précisément amené son éclosion envisageaient pour la société. Alors, à sa manière, le parcours présenté à l’Onde tente de déjouer une réinterprétation trop littérale en invitant une artiste, Emilie Ding à intervenir directement sur les murs de l’institution, révélant en négatif des formes géométriques impossibles et quasi imperceptibles qui contribuent à donner à l’exposition une allure de chantier toujours en construction.
De la sorte, plus qu’un hommage, 1977 devient une exhortation à questionner cet héritage et lance les pistes d’une remise en cause de la pratique et de la diffusion artistiques que vient tenter de faire résonner la grille, exposée ici, de programmation du Nouveau Festival organisé en 2009 au Centre Pompidou, voué alors à enclencher à nouveau la politique culturelle libre et ouverte de ses débuts. Cette même grille qui fut peinte sur la Piazza qui jouxte le centre par des volontaires dont la combinaison, frappée de l’indéfectible logo du centre, pend à l’entrée de l’exposition, comme un appel à habiter à nouveau le désir initial de le bâtir.