Echoing Trees — Galerie Xippas
La galerie Xippas présente une exposition collective autour de la figure de l’arbre qui fait résonner les enjeux contemporains d’une évolution de la nature, du rythme de la vie et de son déclin.
« Echoing Trees », Galerie Xippas du 16 mars au 25 mai 2019. En savoir plus Echoing Trees nous plonge dans une forêt évidée de sa verdure pour atteindre la diversité de ses fondations, les troncs qui sont autant de pièces d’une ossature monde qui semble agitée à sa source. Une présentation végétale qui s’écarte du foisonnement pour proposer une délicate âpreté, à l’image des troncs et souches d’arbres qui composent l’essentiel des images ici. En silence, les lignes se déploient avec la régularité du chaos, un écho de plus aux règles complexes qui régissent l’existence végétale. Variation autour de cette figure aussi symboliquement majestueuse de l’arbre (figurant tour à tour, dans l’histoire, la vie, la force occulte, l’émanation divine, la sagesse ou l’ordre des espèces), le parcours accueille huit artistes qui offrent des visions qui évoluent pour nous plonger dans une friction avec l’urbanisme, retrouver l’arbre caché au milieu d’une nouvelle forêt que nous semblons tenir en nous.D’entrée, une sculpture de Pablo Reinoso annonce l’hybridation de l’arbre par le détournement de sa forme pour glisser vers une représentation quasi-abstraite qui ne tait pas pourtant l’évidence de son inspiration. Dans un espace à la couleur impossible, les lignes d’acier figurent un tronc impressionnant qui joue tout autant de sa valeur décorative que d’une symbolique de la ligne. À l’œuvre également dans son paysage enneigé, la prégnance de la ligne fait chez Darren Almond de l’arbre un motif qui, répété, habite le premier plan d’une composition dont il donne la structure et appuie la force. Yvan Salomone capture quant à lui des îlots de verdure dans des espaces aménagés où les contrastes puissants usent également de la nature pour dessiner des lignes de force qui se prolongent dans l’architecture urbaine.
Des inquiétants échos bruissants d’une forêt sombre sourdent sous l’objectif de Valérie Jouve et Vik Muniz. Autels improvisés et aléatoires du recueillement, leurs arbres imposent leurs présences pour déjouer la lumière et décliner une vision aux limites du rationnel qui fait de chacun d’eux l’acteur potentiel d’une composition complexe, d’une narration dont il nous appartient de nous emparer. Face à l’arbre, le temps de pose de la photographie répond à une temporalité de la nature qui nous submerge et nous entraîne dans une fantaisie sans indice d’âge.
Philippe Ramette et Yves Bélorgey s’emparent, eux, du végétal pour orchestrer la rencontre devenue paradoxalement contre-nature de deux ordres que tout unit, celle de l’homme et de la nature. Par le détournement de la physique avec Ramette qui s’insère dans le décor à l’horizontale, tordant la perspective pour laisser apparaître un tronc qui serait foulé au pied par l’humain, tandis que la peinture d’Yves Belorgey, dans la frontalité et la simplicité d’une imagerie systématiquement localisée dans un quartier de Paris, observe comment l’aménagement urbain cadre autant qu’il se voit dépassé par une nature irréductible à son rôle de décorum.
L’arbre comme force de vie glisse chez Karishma D’Souza comme souffle d’inspiration actionnant une série de peintures naïves qui imaginent des espaces éthérés pourtant chargés d’une couleur sourde, y insérant tantôt des yeux qui nous fixent ou des pierres en lévitation, empruntant au chamanisme et aux croyances païennes les ornements d’une nature dont les frontières se prolongeraient jusqu’à notre imaginaire.
Les échos d’une forêt plurielle bruissent ainsi sur les cimaises de la galerie Xippas qui parvient, malgré la diversité des thèmes et options conceptuelles de ses artistes, à penser un parcours cohérent et tenu qui, loin de se borner au mimétisme ou au message simpliste, s’empare du sujet pour l’ériger en un motif qui parle tout autant de nos villes, de nos vies que de la nature. Aussi divers que les regards qui l’embrassent, l’arbre s’ébat alors ici dans un environnement qui l’accueille autant qu’il le limite, qui le maîtrise autant qu’il en est l’élève, qui le vénère autant que son incompréhension pourrait bien mener à leur ruine mutuelle.