Gérard Garouste — Galerie Daniel Templon
Une fois vues, les créations de Gérard Garouste restent vivaces à l’esprit. On se souvient avec force de son travail autour du Faust de Goethe. Mythes, contes et histoires populaires, nourrissent toujours autant son trait et ses sculptures dans son nouveau parcours Contes ineffables. Trois ans après l’exposition Walpurgisnachtstraum à la galerie Daniel Templon, l’artiste y opère un retour accompagné d’autres figures très reconnaissables allant de Tintin à Jean-Michel Ribes. Un grand écart qui n’oublie jamais l’onirisme.
Dans ce parcours qui opère comme la dynamique d’un rêve, on reconnaîtra de loin en loin différentes sources d’inspiration. La fameuse bande dessinée d’Hergé, les amis dont compte parmi eux Jean-Michel Ribes, que Garouste connut lorsqu’il réalisa les décors de ses pièces , mais aussi les Fables de la Fontaine ou les contes ashkénazes. Pourtant pas de confusion de genre. Les références ont beau s’ancrer dans mille périodes, Garouste paraîtra toujours fidèle à une époque, la sienne. Ses compositions à l’évidente triangulation tiennent parfois du baroque. Ses personnages, auxquels il applique de gigantesques distorsions, convoquent Chagall dans la période du théâtre russe, quand ses paysages rappellent les grands romantiques.
Pourtant, jamais Garouste ne se limite à la citation. S’il trouve dans la tradition picturale matière à sa création, il n’en devient jamais l’imitateur. Il interprète et appose sa clé de lecture dans chacune de ses toiles. Aussi, sous son pinceau, Millet, peintre de l’école de Barbizon, trouve-t-il un écho détourné. Le détour est subtil, Garouste s’inspire autant qu’il aurait pu les inspirer. Il permet de plonger dans un univers formel connu tout en l’ouvrant sur une vraie modernité. Modernité véhiculée en grande partie par ses couleurs qu’il a longtemps tenu à fabriquer en travaillant les pigments jusqu’à obtenir la teinte parfaite, presque criarde diront certains. Oui, les couleurs de Garouste jurent parfois. Orange et jaune dans une danse volontairement exubérante. Mais c’est pour mieux rire au nez de la convention.
Aussi, Garouste est-il un moderne parmi les classiques, autant qu’un classique parmi les modernes, lui qui choisit la figuration dans une période où le conceptuel faisait florès. Une figuration qui lui permit de représenter ses délires. Délires vécus, lorsqu’un jour il entra dans une église malgré lui et cassa des candélabres alors qu’il avait rendez-vous à un tout autre endroit de la ville. Garouste a grand besoin de narration, on le sent intimement dans ce parcours où les histoires tiennent une place capitale. Il faut parler pour oublier. Oublier un passé qu’il raconta récemment dans son livre L’Intranquille : Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou, texte qui lui permit d’aborder la douloureuse histoire de son père qui spolia les biens des juifs pendant la guerre.
Et si le titre de l’exposition contient le mot « ineffable », c’est bien pour appuyer sur la nécessité de dire ce qui a été tu. Aujourd’hui, tout est dit et Garouste sait toujours aussi bien raconter par le pinceau, de formidables histoires.