Léonard Bourgois Beaulieu — Galerie Laure Roynette
Le photographe autodidacte (né en 1983) présente à la galerie Laure Roynette vingt-cinq nouveaux portraits pour son exposition personnelle Se nommer soi-même. Des visages, des regards, des corps, des âmes, emplissent l’espace d’un trouble, aussi bien visuel qu’identitaire, et incitent notre regard à côtoyer l’imprévu.
« Se nommer soi-même — Léonard Bourgois-Beaulieu », Galerie Laure Roynette du 12 mars au 20 juin 2020. En savoir plus Raya, Yolanda, Anxthony, Rose et Damien ne sont pas des « modèles » — Léonard Bourgois Beaulieu n’apprécie guère ce terme, derrière son objectif « les gens ne posent pas » dit-il –, mais des rencontres, sincères et mémorables. Leurs corps semblent baigner dans le temps, la lumière et la matière, portant encore en eux la douceur intime des séances de shooting. En noir et blanc ou en couleurs, obscures, intrigantes, profondes, floues : devant chaque photographie, on s’approche, en plissant les yeux, dans l’espoir d’y déceler un mystère ou d’y déchiffrer l’inconnue d’une équation. D’une texture étonnante, la photographie emprunte à la peinture. Les corps apparaissent comme surmontés d’un voile d’altérations, d’interférences, de plis, de traces : fruits d’une réaction chimique due à un mélange personnel élaboré par l’artiste que l’on se plaît alors à imaginer alchimiste, ou magicien. À partir de polaroïds, depuis 2011, Léonard Bourgois Beaulieu semble avoir trouvé, dans la part d’aléatoire et d’organique de l’argentique, sa façon bien à lui de faire de la photo. Pendant plusieurs semaines, parfois plusieurs mois de développement, ses photographies ont pris corps et vie, s’aventurant sur le chemin d’une évolution infinie.Cette temporalité particulière répond aux identités de genre et aux orientations sexuelles queer des personnes photographiées, mouvantes et libres. Trans, non-binaire, homosexuel.le, bisexuel.le… Ces corps qui, dans notre société normée, troublent, dérangent, interpellent, sont bien souvent en redéfinition constante, mettant à l’épreuve les frontières rigides de nos conventions sociales. Léonard Bourgois Beaulieu parvient, à travers la singularité de sa pratique, à regarder Raya, Yolanda, Anxthony, Rose et Damien sans jugement, « sans raccourcis » précise-t-il, et à les mettre en lumière avec justesse. Le photographe leur laisse la possibilité d’évoluer, encore et encore, à l’image de ses négatifs. Nous apparaît alors, avec évidence, la force des identités de genre minoritaires aujourd’hui, tout comme celle de certains artistes : troubler notre œil, bousculer nos habitudes, renverser nos certitudes.
Se nommer soi-même fait partie des expositions qu’on ne pourrait pas, plus encore qu’une autre, vivre derrière un écran. C’est dans la matérialité des images que se dévoile celle de ces corps qu’on ne voit pas assez et qui disent tout pourtant du caractère pluriel et changeant de tout être humain.