Philip Guston — Musée Picasso
Le musée Picasso accueille une exposition aride de Philip Guston, L’ironie de l’histoire qui, derrière la belle idée d’une rencontre pleine de sens, se voit malheureusement gâchée par un accrochage au rythme assez pauvre et largement biscornu.
Ce dispositif scénographique délaisse l’explosivité potentielle de cette réunion pour s’enfermer dans une présentation qui tourne à l’accumulation justificative… Le projet, pourtant séduisant — montrer la radicalité graphique et politique de Guston — se heurte à une dramaturgie de l’exposition qu’on devine bâtie pour ménager un public large, mais au prix d’une perte d’intensité.
Peut-être une précaution malheureuse, destinée à ménager maladroitement un public peu familier du peintre… Le style de Guston, marqué par la bizarrerie, l’invention formelle, la tension de gravité du biais caricatural, ne se décante vraiment qu’en fin d’un parcours, après avoir subi la litanie d’une plongée erratique dans son œuvre. Ce dispositif délivre, paradoxalement, une image presque acariâtre de son travail.
Pourtant, l’exposition invite à revisiter un itinéraire artistique courageux, engagé, et radical, dont la satire met à mal les pouvoirs de l’époque en tendant le miroir de leur grotesque absurdité, de leur conservatisme rance. Un négatif corrosif de la pratique artistique qui, là, aurait mérité un traitement plus documenté. Jusqu’aux toiles figuratives tardives mêlant dans un aplat kaléidoscopique les angoisses d’une époque matérielle dont chaque objet devient l’allégorie et chaque être le monstre.
Précieuse pour l’histoire, pour l’histoire de l’art, pour la mémoire critique, cette réunion ne laissera guère de trace dans l’imaginaire collectif. Elle échoue, par excès de réserve, à inventer le fil invisible qui pourrait relier les deux souffles parfois antagonistes (ce qu’il fallait bien admettre pour proposer une plongée parallèle dans leurs œuvres) de Guston et Picasso. Car c’est précisément dans cette tension radicale entre le grotesque et le tragique, entre l’amour du beau et la modélisation nécessaire du vrai que se révèle ce qu’ils ont de plastiquement détonateur.
Philip Guston, L’ironie de l’histoire, Musée national Picasso-Paris, 5, rue de Thorigny, 75003, Paris — Du 14 octobre 2025 au 1er mars 2026 — De 12 à 16 euros