Printtemps — Fondation Fiminco, Romainville
La Fondation Fiminco de Romainville présente une exposition organisée par Baptiste Caccia et Édouard Wolton, deux artistes responsables des ateliers de gravure et de sérigraphie ouverts aux artistes résidents. Si la thématique de l’exposition tourne autour de l’impression, de la sérigraphie et de la gravure, la question de la main et de l’œil émerge rapidement au centre de ses préoccupations. Marquée par un contexte sanitaire qui la prive d’une ouverture publique, la dynamique du parcours, particulièrement présente, insiste sur la lisibilité et la clarté des propositions d’artistes résidents et invités.
« Printtemps », Fondation d'entreprise Fiminco du 2 au 10 avril 2021. En savoir plus Hasard des rencontres, disponibilité des pièces, envies des artistes, à l’image du printemps de son titre, l’exposition concentre les forces spontanées de la création tout en restant attentive à la nature hybride des formes proposées. La technique est ici un vecteur, elle répond aux besoins de formes tout autant qu’elle impose sa propre singularité et modèle à son tour les créations pour laisser sa marque sur le résultat final. Le nombre et la diversité des formes (plus d’une vingtaine d’artistes) appuie précisément le propos des deux initiateurs du projet et de leur investissement dans le partage d’un savoir-faire avec pour ambition d’ouvrir les champs de possible d’artistes qui utilisent ces médiums parfois pour la première fois. Les travaux, conceptuels, abstraits ou plus poétiques, s’emparant de la nature industrieuse et industrielle des médiums soulignent d’autant la plasticité et la pertinence de la technique au service d’une pensée singulière.Les usages des outils de sérigraphie et de gravure sont alors aussi divers et parfois hétérogènes que le nombre d’artistes présentés, servant tantôt de support technique nécessaire pour l’expression d’une profondeur de la couleur, appuyant une distance théorique avec l’image ou objet d’exploration même de l’expression et de l’expérimentation. Dans le passage par le médium, l’image se distord, la couleur se fige en une nuance unique ou la part d’aléatoire redéfinit le concept même de maîtrise et offre à l’artiste la possibilité d’un jeu d’équilibriste entre son ambition et un résultat sur lequel il a laissé la main à la machine.
En ce sens émerge la problématique fondamentale soulevée par les deux artistes commissaires d’une mise en crise de la pratique, usant d’un procédé développé pour l’industrie et, par essence, la répétition, dans une perspective d’œuvre, de finalité unique remettant en cause la réalité univoque, apparait en filigrane. La réitération induite par le terme de « reproduction » est ainsi à entendre dès la finalisation même du procédé utilisé ; à partir du modèle original se produit en écho l’objet désiré, repoussant la pratique et la conception « à la main » dans un passé définitif et laissant glisser l’acte génératif dans le domaine du maniement des intensités. La phrase de Martial Raysse, affichée en préambule s’éclaire, non sans une certaine espièglerie, « Le seul avantage de l’homme sur la machine c’est que l’homme fait de toute façon les choses plus mal. »
On oscille ainsi entre les univers où les régimes d’image modèlent les expressions et portent une proposition qui s’éclaire à mesure que l’on progresse dans le parcours, révélant dans ses prémisses la profondeur et l’intensité de noirs couvrant la surface du tableau pour tendre vers une variation plus expérimentale autour des nuances possibles du spectre. Pratiques techniques de pointe, liberté et invention se répondent en variant la focale.
Le dialogue entre les pièces se fait subtil, renvoyant là à une référence à l’histoire de l’art (Damien Deroubaix, Julia Wachtel, Rebecca Tanda, etc.), ailleurs à une manière d’évoquer sa propre histoire (Luis Carlos Tovar, Jean-Luc Verna, etc.), autrement encore une possibilité de détourner le support pour mieux le confronter au réel (Steeve Bauras, Baptiste Caccia, Anne-Charlotte Finel, Valérian Goalec, Camille Juthier, etc.) ou enfin en explorer les frontières pour en dessiner une sortie possible (Amélie Bertrand, Wernher Bouwens, Aurore Pallet, Joon Yoo, Anne-Charlotte Yver, Édouard Wolton, etc.).
Autant de typologies qui ne sont que des entrées vers des œuvres qui les traversent et se mêlent insidieusement aux autres pour s’affranchir de cadres dont la fin du parcours, profitant opportunément d’une ouverture de l’espace sur l’extérieur, ne peut qu’inviter au dépassement. La maîtrise des artistes commissaires en matière de lumière permet à cette fin de parcours d’offrir un véritable éclatement des couleurs et une intensité de leur vibration qui pousse encore plus loin l’hommage à leurs médiums en modulant encore plus explicitement leurs possibilités.
Définies alors par les éclats de tonalités, le traitement tantôt brut tantôt tout en finesse de l’image par les artistes inscrit à son tour, tout comme le procédé le fige de manière irrémédiable sur son support, durablement le spectre de l’invention sur une trame qui roule de la rétine à l’imaginaire.