Virginie Yassef — Galerie G-P & N Vallois
Pour sa nouvelle exposition à la galerie G-P & N Vallois, Virginie Yassef présente un ensemble de sculptures et de photographies reliées par la répétition du motif de la vision et de sa duperie.
Virginie Yassef — Ils seront capables de voir les obstacles et de les contourner @ Galerie G-P & N Vallois from June 7 to July 20, 2019. Learn more Accueilli par deux formes circulaires en mouvement perpétuel, le visiteur saisit d’emblée le jeu de miroir auquel il va être confronté. Tout ici est question d’oeil, de vision et de repère parmi les formes ; on progresse dans un parcours accidenté où les pièges visuels sont finalement ceux qui nous regardent. D’une recherche sur la nature de notre vision, ce sont finalement des yeux d’autres qui nous scrutent déjà et nous entraînent dans le vertige poétique d’un paysage où le visible est voyeur.Ses œuvres sculptées, elles, sont autant de trompe-l’œil, formés de matériaux contredisant leur apparente pesanteur pour constituer des pièges qui nous observent à leur tour. L’œil est partout ; ce que l’on voit apparaît alors comme ce qui nous regarde, bouleversant la définition de l’obstacle, par essence dépendant de notre présence, toujours déjà-là et devenu ici personnage qui, au-delà de l’être, « fait » véritablement obstacle. Obstacle au vide, obstacle au silence apparent de ce lieu seulement habité par des bruits de chute aléatoires qui en troublent la quiétude. La vision active appelée par Virginie Yassef invite alors au mouvement ; refusant comme à son habitude la position de surplomb sur le spectateur, l’artiste imagine un dispositif qui, s’il active initialement la stupeur, encourage la formation d’une intrigue, la plongée dans un surréel où la gravité est inversée, où les objets, à l’image de ses poutres, au sol ou dans les airs, changent de nature, se meuvent lentement et s’irisent à mesure que l’on se déplace.
Des photographies d’apparence anodine cachent des gémellités malicieuses à la vidéo d’un paysage filtré par une couche de silicone. Dans chaque rainure de l’exposition s’ente un oeil qui nous épie. Les lignes se tirent et s’étirent pour créer des perspectives simples et des contrepoints vibrants ; aux côté de citations issues de très sérieux articles évoquant le sens de la vision, deux pattes de tortue géante trônent à l’angle de la pièce et perdent tour à tour leurs griffes. Renvoyant à la symbolique toute humaine du cauchemar autant qu’à la capacité sensorielle d’appréhender son entourage, cette immixtion d’un animal mythologique ou, à tout le moins fantaisiste dans l’exposition brouille encore les pistes. Entre étude phénoménologique de la « vision » de l’homme et fantasmagorie imaginaire, Virginie Yassef parcourt en équilibre les univers pour créer un œuvre en suspens qui, de l’absurde initial, confine à l’invention d’une méthode singulière où science et histoire se coordonnent en un contexte de potentialités duquel peuvent naître autant de scénarios que de regards qu’il soutient.
Traqué sans être véritablement proie, informé sans être élève, le visiteur est ainsi doublement activé par cet ensemble bien moins inquiétant qu’il n’y paraît mais pas moins délicieusement trouble. Plus alors que les contourner pour s’en protéger, le visiteur se prend à un mouvement circulaire pour observer ces formes, les appréhender non plus comme simples entraves à sa circulation mais bien pièces vivantes dans un espace silencieux, lui-même capable, s’il le souhaite, de faire obstacle à celles-ci.
Du vocabulaire plastique de décor de théâtre qui les a inspirées, les œuvres se font habitantes d’une scène dont elles rythment l’intrigue et qu’il appartient à chacun de formuler.