23e Prix Fondation Pernod Ricard
La Fondation d’entreprise Pernod Ricard présente sa traditionnelle exposition de rentrée autour des artistes nommés à son prix annuel, Horizones. Si l’on peut saluer le courage de l’entreprise de maintenir son prix, cette édition plonge dans les travers d’un commissariat réduit à l’affect ne questionnant ni ses conditions, ni ses objets.
Avec un détachement rare, l’exposition est introduite par un extrait de carnet de bord bien conscient du manque d’articulation et de réflexion présidant à cette réunion d’artistes aux œuvres disparates. Si l’implication émotionnelle semble bien présente, rapportée qu’elle est par un commissariat centré sur l’expérience personnelle du commissaire, le travail ne se mesure alors qu’aux échanges fructueux et heureux que lui aura apporté cette année de compagnonnage auprès des artistes.
Relégués donc au second plan, ces derniers voient leurs œuvres projetées dans un assemblage qui ne cherche ni à les problématiser, ni à mettre en valeur leur capacité de s’extraire de leur pure présence. Un terrible sentiment de traverser une foire d’art se fait jour où les sections ne dialoguent qu’à la condition que le visiteur s’implique plus encore que l’organisation.
Une somme de travaux qui sonne alors irrémédiablement creux, laissant plus de place au vide qu’aménageant de véritables territoires. Pudeur ou manque cruel d’ambition, la proposition de Clément Dirié s’enferme dans cette intimité dont la mise en espace, sans idée, empêche même de saisir tout enjeu. Probablement riche d’une multitude de réflexions et d’échanges préalables, elle nous laisse atones au milieu d’objets jetés là sans autre indice que le titre Horizones, lui-même étrangement ironique quand ni réflexion projective ni tentative de penser avec (ou contre) l’artiste la manière d’entrer dans son œuvre ne sont pensées. Un comble encore quand la fondation propose, en parallèle, un programme cohérent autour de “mondes nouveaux” dont il aurait été aisé de provoquer le dialogue.
L’œuvre d’Eva Nielsen, qu’on a pu pourtant largement admiré auparavant ne trouve ici aucune perspective et semble même s’arc-bouter sur son pré carré, à l’abri des effets dynamiques qu’aurait pu lui fournir la confrontation avec les intrigantes sculptures d’Hélène Bertin. Mais là encore, le mystère reste entier et la qualité intrinsèque des œuvres, le décalage de certaines, l’alacrité d’autres s’annulent au lieu de s’épauler, de s’accorder ou même se confronter. Le rythme, la dynamique, tout est abandonné au profit d’un accrochage automatique, lequel aurait même pu faire l’objet d’une proposition s’il avait été problématisé.
Sans aspérités, sans relief, on pense à ces cérémonies de récompenses cinématographiques si effrayées à l’idée du dérapage qu’elles déroulent la platitude morne des convenances. Il n’est pourtant rien de moins dangereux pour l’art d’aujourd’hui que de le livrer, sans idées, à l’espace vierge d’une institution, à moins de ne considérer son prestige comme valeur suffisante. Un schéma de pensée qui rapproche alors l’art de la pratique de marque dont la création contemporaine a su, à raison, se méfier. Pas là donc.
Seules ancres dans ce paysage clairsemé, les œuvres de Jean-Michel Sanejouand, pertinentes et espiègles qui respirent pour le moins très librement dans cette compilation qui érige l’amitié des autres en principe fondateur d’exposition. L’étymologie est cruelle et révèle le hiatus de cette position qui ne tente jamais de sortir d’elle-même et n’extériorise que ce qu’elle a déjà vécu.
Un manque de lucidité qui rejoint, malgré la sincérité et l’intelligence des artistes et du commissaire dont on ne pourrait douter, le pire du monde de l’art : le copinage et l’imposition de sa vanité arbitraire comme une évidence de forme.
23e Prix Fondation Pernod Ricard, Horizones, avec Hélène Bertin, Timothée Calame, Fabiana Ex-Souza, Eva Nielsen, Benoît Piéron, Elsa Werth et Jean-Michel Sanejouand — Du 06 septembre au 29 octobre 2022, Fondation d’entreprise Pernod Ricard, 1, cours Paul Ricard, 75008 Paris — Du mardi au samedi, de 11h à 19h, nocturne jeudi jusqu’à 21h — Entrée libre