Dana Cojbuc — Galerie Putman
Dana Cojbuc donne à voir des paysages dans lesquels elle ressent une nécessité d’interagir avec la nature et ainsi d’intervenir sur place, par exemple en réimplantant des branches, dessinant ainsi des verticales face à la mer.
Dans sa série Yggdrasil, photographies prolongées par le geste du dessin au fusain et au pastel sec, la forêt apparait dense et mystérieuse, face à laquelle nous pouvons être à la fois attirés ou repoussés à l’idée d’y pénétrer. Les arbres redessinés créent un seuil, redéfinissent une sorte de limite à franchir visuellement : ces grands sujets semblent en train de grandir vers la lumière autant qu’ils s’enracinent dans les profondeurs de la terre. La matière laissée par son outil de dessin révèle le cycle naturel de transformation des milieux forestiers. Accrochées en constellation, ses images constituent chacune des portes d’entrée vers une forêt dense et profonde, tels des îlots en suspens.
Par le dessin, l’artiste réunit plusieurs territoires sur lesquels elle s’est rendue et crée un nouveau paysage imprégné de ses souvenirs, de moments durant lesquels elle a observé la verticalité des arbres. En dessinant sur le mur, Dana Cojbuc poursuit l’ancrage de ces végétaux dans leurs milieux, leur donnant en plus grande échelle pour suggérer une nouvelle vie qui reprend. On songe au passage des saisons en contemplant ses œuvres : la végétation se lit à travers le givre qui les recouvre et semble annoncer l’espoir d’une résurgence après l’hiver. En soupoudrant de la farine sur le sol, elle initie un chemin… Sa blancheur est alors révélée par la lumière captée à la prise de vue. Une certaine douceur propre à cette luminosité contraste avec la rigidité de l’alignement des arbres.
Sa série d’images réalisées suite à une résidence dans les Landes donne à voir un milieu fragilisé, marqué par les coupes d’arbres et les incendies.
Dans ses images, une impression de mouvement émane de son geste souple laissant apparaitre par l’évidement et la finesse du trait des présences d’arbres presque fantomatiques. Ils semblent être dans un état de bascule, à la limite de rompre, en réaction à des phénomènes naturels d’une grande puissance venant troubler le silence d’une biodiversité en place depuis des siècles. Une tension entre la force et la fragilité des éléments naturels se révèle également dans ses travaux : en dessinant sur le tirage photographique, l’artiste nous invite à songer à une renaissance, à une résurgence de pousses propres au cycle de la forêt.
La couleur utilisée avec parcimonie révèle la densité de fougères, ces végétaux panchroniques et attire alors notre regard sur ces espèces qui croient rapidement à l’ombre des couverts forestiers.
Ses œuvres rendent compte de son attachement profond à la nature comme terrain de jeux, d’expériences, de constructions éphémères à partir de matériaux trouvés, échoués et ayant un vécu. Cette exposition nous invite ainsi à un cheminement visuel dans un va-et-vient subtil entre organicité du vivant végétal et structures verticales régulières.