Judy Chicago — Capc, Bordeaux
Précurseurs des luttes pour l’égalité, certaines artistes structuraient leur discours féministe par la voie artistique. Ce fut le cas de la pionnière, Judy Chicago, qui dès le milieu des années 60 ouvrit la voie au beau sexe. Le CAPC de Bordeaux lui consacre jusqu’au 4 septembre une belle rétrospective.
Why not Judy Chicago ? Mais oui, pourquoi pas Judy Chicago ? se demande le CAPC de Bordeaux à travers ce sous-titre implicite qui exprime une incompréhension face au manque de reconnaissance de cette artiste féministe américaine, encore vivante, pionnière et active depuis le milieu des années 60. Tort rétabli grâce à l’exposition qui lui est consacrée sur plusieurs plateaux au musée d’art contemporain, et qui dessine une carrière prolifique. Malgré un manque d’œuvres (beaucoup trop de reproductions d’assez bien mauvaise facture), cette monographie a le mérite de faire entendre la voix à un féminisme sensé, théorique, pensé et infusé dans des travaux plastiques puissants.
Peindre des vagins, devenue une sorte de marque de fabrique de l’artiste, n’était pas acte de provocation. C’était porter l’attention sur un sexe que l’on ne voyait pas, ou mal. Un décentrement dans une société éminemment phallocrate. Il s’agissait bien de passer d’un centre à l’autre. L’origine du monde retrouvait, à travers les œuvres de Judy Chicago, des couleurs heureuses et bienveillantes. Le sexe de la femme n’était plus un objet de curiosité que l’on scrutait avec suspicion, ni même un support au désir masculin, mais un nouvel épicentre artistique.
La série fantastique de vidéos Fireworks, purs moments de grâce, voit danser des femmes nues au milieu de fumigènes bleus, roses, blancs. Dans cette cérémonie performative éblouissante, les femmes, nouvelles Eve si l’on ose, réinventent le feu. Ces vidéos ont la force de scènes originelles qui redonnent à la femme une (sa ?) place dans l’histoire. Pour Judy Chicago, l’art et notamment les vidéos, sont ces puissants outils d’émancipation qui font durablement tomber les biais de grilles de lecture masculino-centrées. On peut crier, on ne nous entend pas. Les images bouleversantes de Judy Chicago créent une onde de choc, une vive émotion qui convainc sans mots. Des corps nus, une ligne de musique discrète, une fumée épaisse dans une économie précaire qui active pourtant la force implacable de son discours.
C’est aussi l’effet que provoque son installation d’envergure, Dinner Party à laquelle est consacrée un passionnant documentaire visible dans le parcours. Cette installation, imaginée pendant cinq longues années, met en scène une table de 15 mètres de long où 39 femmes qui ont changé le cours de l’histoire participent à un dîner fantasmé. Un banquet féminin qui appelle à une réécriture de l’histoire où la femme ne serait pas reléguée en cuisine.
Why not Judy Chicago?, au CAPC de Bordeaux jusqu’au 4 septembre 2016, toutes les informations sur le site web