Marco Maggi — Galerie Xippas
Poursuivant la présentation en cours de ses travaux à la Biennale de Venise, où il occupe le pavillon de l’Uruguay, Marco Maggi (né en 1957) propose, avec Déplier, une exposition subtile qui se dérobe au regard pour mieux en cerner la nature. Un œuvre fort, sensible et poétique qui déploie sa magie dans l’espace avec une grâce déroutante.
Naît ainsi une sensation ambiguë de mouvement de l’immobile, l’œil décelant comme en miroir les accidents de l’espace à travers les micro modifications que Marco Maggi impose à la salle d’exposition. Ce mouvement de l’immobile se retrouve sur un mur adjacent, où des crayons de papiers sont pris au piège par des élastiques qui les retiennent à angle droit, mines appuyées sur la paroi. La simplicité des lignes de l’œuvre tout autant que la tension étrangement sensible exercée entre ces deux objets projettent encore vers l’imaginaire. Le crayon, outil de traçage absent de l’exposition apparaît ici comme dépassé par la matière de sa ligne, comme une flèche impuissante, tendue vers un mur qu’elle ne peut modifier. C’est ainsi la matière elle-même qui va faire signe, prenant à rebours la tentation de ne voir signe que dans le tracé pour le faire littéralement émerger des tableaux qu’il présente dans la salle suivante.
Entre cartographie urbanistique rétro-futuriste et alphabet indéchiffrable, ses formes suivent une ligne de continuité qui impose une réflexion sur le sens. Cette façon d’apposer, presque en transparence, à même les murs de l’exposition, ses motifs énigmatiques est également une manière de faire vivre et de questionner notre rapport à l’espace, d’en souligner le vide. Quand bien même la « raison » peine à saisir le le sens des points d’achoppement de ses formes, les causes de leurs bifurcations ou impasses, l’accumulation d’éléments fait sens et pousse l’imaginaire à en tirer une « explication ». En ce sens, le titre de l’exposition a une valeur prédictive ; par ses compositions, l’artiste semble exhorter qui s’y confronte à déplier mentalement le fil tortueux de ces bandelettes pour en retrouver soi-même un ordre, ou en inventer la nature.
Marco Maggi distord ainsi les moyens traditionnels de communication, les moyens de faire signe et symbole pour dessiner la topographie d’un monde déserté, oublié, qui pousse l’imaginaire à adopter une stratégie nouvelle pour en percevoir la réalité.