Panorama 10/12
Berenice Abbott — Documenting Science •
Disciple de Man Ray puis témoin des changements de la ville de New York, à la façon d’un Eugène Atget, on oublie parfois que Berenice Abbott s’est consacrée à partir des années 40 à la vulgarisation scientifique et a également travaillé, dans un contexte de Guerre Froide pour le M.I.T (Massachussets Institute of Technology), à la fin des années 50. Formelles, graphiques, presque cinétiques à la façon d’un Julio le Parc, ces épreuves en noir et blanc avaient pour but d’éclairer des mécanismes de physique quantique. Ces commandes à la rigueur toute scientifique, récemment exposées au Jeu de Paume trouvent à la Galerie des Douches un prolongement. Certaines photographies méconnues, provenant de New-York enrichissent cet aspect tapis dans l’ombre de sa carrière. — L.C.-L. — Berenice Abbott — Documenting Science à Les Douches La Galerie, jusqu’au 22 novembre.
Anselm Kiefer — Die Ungeborenen (Les Non-nés) ••
Baptême du feu pour son nouvel espace de Pantin, cette première exposition dédiée à Anselm Kiefer par la galerie Thaddaeus Ropac est clairement une réussite. En prenant le parti de jouer aussi bien sur l’aspect méditatif que sur la puissance spectaculaire de son œuvre, la scénographie de « Non-nés » offre une entrée tout à fait pertinente dans l’œuvre de l’artiste. Respiration, accalmie ; les espaces remarquables de ce nouvel espace permettent de scander le rythme de l’exposition et de prouver le rôle de premier plan que risque de jouer cette extension de la galerie dans les années à venir pour l’art francilien. — G.B. — Anselm Kiefer — Die Ungeborenen, Galerie Thaddaeus Ropac Paris Pantin jusqu’au 27 janvier 2013.
Jean Tinguely — Méta-Reliefs / Méta-Matics (1955-1961) •
Véritable performance, cet art ludique n’en est pas moins un vibrant manifeste de la création « en mouvement ». Dans son questionnement du rapport causal d’abord, Jean Tinguely subordonne le résultat imprévisible du dessin à un acte purement mécanique. Dans l’abandon de l’art comme simple « image » ensuite ; les Méta-reliefs et leur variation perpétuelle libèrent la forme de sa prison, de sa fixation par l’artiste, pour continuer leur mue et forcer le regard à « s’activer » lui aussi. — G.B. — Jean Tinguely — Méta-Reliefs / Méta-Matics à la galerie G-P & N Vallois jusqu’au 17 novembre.
Daido Moriyama — Northern — Hokkaido •••
Chef de file du mouvement contestataire Provoke dans le Japon des années 70, Moriyama est un révolutionnaire à la force tranquille. « La plupart de mes instantanés, je les prends en roulant en voiture, ou en courant, sans viseur, et de ce fait, on peut dire que je prends les photos plus avec le corps qu’avec les yeux. » Ainsi parle celui qui, par cette technique du bougé et des prises de vue tremblées, a libéré le geste photographique. Libération notable également dans le choix de ses angles de vue si particuliers. Les immeubles tanguent. Les enfants semblent tomber. Pour rendre hommage à cette éminence de 74 ans, la galerie Polka expose quatre décennies de sa création (1965 — 2010) à travers la série au long cours Hokkaido — Nothern. En noir et blanc, il immortalise le mélancolique Japon d’après-guerre avec un génie éblouissant. — L.C.-L. — Daido Moriyama à la Galerie Polka jusqu’au 6 novembre.
Roman Ondák — Monographie •
Roman Ondák place l’insolite au cœur de sa pratique, croisant les matières de l’absurde et du paysage urbain. La performance Measuring the Universe questionne les termes d’une relation avec le visiteur, tandis que, singulières et prosaïques, les pièces Third Way et Sitting Door revêtent le réel de contours fluctuants. Au fil de textes, d’images, de sculptures ou d’installations, le parcours entre en résonance avec l’espace du musée d’Art moderne de la Ville de Paris et infiltre ses interstices pour déjouer subtilement les codes de l’art minimal. — P.B.-H. — Roman Ondák au musée d’Art moderne de la Ville de Paris jusqu’au 16 décembre.
Valérie Favre — Fragments •••
Valérie Favre expose une série de peintures dévoilant un champ nouveau de son univers mêlant onirisme et gravité. C’est finalement ce jeu du regard à l’œuvre dans les toiles de Valérie Favre qui reste le plus troublant et le plus fascinant. À s’approcher, s’écarter, s’incliner, le spectateur de ce monde trouve dans chacune de ses régions, chaque traînée de peinture, chaque aplat de couleur, un système singulier faisant de l’ensemble du tableau un univers parcouru d’une infinité de formes possibles. Indéniablement, Valérie Favre touche avec cette nouvelle série un point crucial de sa démarche et offre l’une des expositions les plus excitantes de la rentrée. — G.B. — Valérie Favre, Fragments à la galerie Jocelyn Wolff jusqu’au 3 novembre.
Charlotte Moth — Villa Surprise ••
Charlotte Moth, qui collecte depuis des années des photographies d’espaces construits, urbains ou ruraux, a fait le choix de la sobriété. Deux photographies et deux vidéos dialoguent entre elles pour offrir une exposition singulière qui invite à une véritable réflexion. Distillant un hypnotique romantisme du vide, la Villa Surprise de Charlotte Moth dégage ainsi un charme et une bizarrerie indéniables qui témoignent de sa capacité à habiter comme à mettre en scène l’espace. — G.B. — Charlotte Moth, Villa Surprise à la galerie Marcelle Alix jusqu’au 3 novembre.
Techno Nature •
Avec Techno Nature, la galerie Zürcher propose une exposition collective rejouant l’inépuisable question des rapports entre nature et culture. Sans tomber dans l’écueil de l’opposition frontale et de la dissertation thématique, quatre artistes répondent ainsi à leur manière sur l’hybridation possible en offrant une véritable réflexion sur l’art, sur la peinture et les accidents de la perception autant que de la représentation. Technique classique, technologie et perception dialoguent dans cette exposition réussie qui parvient à dépasser la dualité pour mettre en valeur la vertu « non efficace » d’une technologie éminemment créatrice. — G.B. — Techno Nature à la galerie Zürcher jusqu’au 13 octobre.
L’Image d’August Strindberg •
En soulignant les paradoxes de l’homme, L’Image d’August Strindberg, exposition organisée par l’Institut suédois, parvient à sortir de la simple présentation biographique en trouvant un angle d’entrée aussi irrévérencieux qu’intéressant. Jouant tout entier sur l’ambiguïté d’un August Strindberg usant de sa création pour s’imposer en tant qu’homme autant qu’il utilise son image pour valoriser son œuvre, l’exposition, du moins dans sa première partie, fait preuve d’un plaisant esprit critique qui n’est pas sans questionner le rapport même des hommes à leur propre image. — G.B. — L’Image d’August Strindberg à l’institut culturel suédois jusqu’au 14 octobre.
Vincent Lamouroux, Néguentropie
Vincent Lamouroux investit l’abbaye de Maubuisson en questionnant le concept même de l’organisation vitale. Habitué à mettre en scène les utopies modernistes autant que les usages sociaux, l’artiste propose, dans cette monographie inédite, une plongée au cœur d’un espace habité d’une organisation silencieuse et impressionnante. — G.B. — Vincent Lamouroux, Néguentropie à l’abbaye de Maubuisson jusqu’au 19 novembre.
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