Un coup de des.net, 30 ans de décentralisation culturelle
Ce 14 février, le centre d’art la Synagogue de Delme accueillait le lancement du magazine uncoupdedés.net, marquant trente ans de décentralisation culturelle. Une initiative aux enjeux poétiques, exploratoires et politiques.
Au fil de l’année 2013, le site uncoupdedés.net mettra en ligne cinquante cartes blanches de cinquante centres d’art en France, tels la Chapelle du Genêteil, le Wharf, la Villa Noailles ou le Crédac. Tous sont membres de l’association française de développement des centres d’art, qui, depuis 1992, œuvre en faveur de la création contemporaine. Coproductions, coéditions, partenariats à l’échelle européenne : l’action de d.c.a s’articule autour d’une stratégie de rayonnement, qui est celle d’inscrire dans une dynamique internationale des structures arrimées à une même communauté d’intérêts. Obéissant à une logique de proximité avec les publics, le travail de médiation des centres se décline sous la forme de rencontres, de sessions de formation ou d’ateliers de sensibilisation aux pratiques artistiques. La mise en place d’un projet sur le Web permet de revaloriser l’action individuelle des centres dans leurs régions, ainsi que leur mission commune.
Approche sensible d’une réalité pragmatique, uncoupdedés.net se propose de repenser la décentralisation en termes de dépassements et de déplacements. Liée aux programmations des centres, sa politique éditoriale révèle un mode de fonctionnement inédit. Son épure se définit dans une poétique de la trajectoire, la masse critique s’y fait paysage mouvant, dessinant en cela un modèle non hiérarchisé. Réflexions d’artistes, de commissaires d’exposition, de chercheurs ou de philosophes : signes d’une géographie subjective, les contributions apparaissent sur le site de façon aléatoire, comme un « coup de dés » menant le visiteur au cœur d’une traversée décloisonnée.
Cadre de diffusion singulier et organique, défi lancé au centralisme parisien et à ses circuits institutionnels, la plateforme se positionne comme un laboratoire à part entière, dédié à la création, à la recherche et à la médiation. De fictions narratives en entretiens, de textes critiques en vidéos, l’appel au hasard mallarméen affiche une ambition : replacer l’engagement critique dans des débats saillants. Le VOG, centre d’art municipal situé en banlieue grenobloise, a notamment réalisé deux interviews croisées de Jacques Norigeon, directeur de l’École supérieure d’art et design Grenoble-Valence, et de l’artiste Samuel Rousseau. L’auteur Emmanuelle Pagano offre quant à elle un récit inspiré d’œuvres côtoyées durant sa résidence à l’Espace de l’art concret de Mouans-Sartoux, récit fictionnel où s’exprime « une volonté affirmée d’ouverture et de dialogue ».
On l’aura compris, il ne s’agit pas tant de replacer le travail des structures fédérées dans des perspectives de marché que de questionner l’interpénétration de l’art et de la société. Et de redessiner, de façon non autoritaire, la relation entre artistes, curateurs et publics.
Le magazine uncoupdedés.net prolonge donc cette exigence de l’association d.c.a : encourager l’accès à la pluralité des formes actuelles et ancrer dans une volonté publique des dispositifs chaque jour plus évolutifs et participatifs. Son architecture « décentrée » permet alors d’envisager l’Internet même comme une forme féconde de décentralisation. Une expérience active, porteuse de possibles, expérience à la fois mouvement et processus, qui « jamais n’abolira le hasard ».