Xinyi Cheng
L’artiste Xinyi Cheng éclaire de sa peinture éthérée, abrupte et pourtant sensuelle la scène actuelle de l’art. Invitée depuis décembre dernier au Hamburger Banhof de Berlin, elle y présente une trentaine de toiles qui confirment le talent de cette jeune peintre dont nous vous proposions de découvrir l’œuvre à l’occasion de sa participation à l’exposition Anticorps du Palais de Tokyo.
Profondément marquée par l’Impressionnisme dans sa jeunesse, elle développe durant sa formation aux Etats-Unis son vocabulaire pictural marqué par l’ambiguïté d’une utilisation de la couleur aussi douce qu’indiciblement étrange, créant une distance perpétuelle entre un réalisme de situation et une scénographie de son propre sentiment.
Doucement érotique et paisiblement intimiste, son univers multiplie les focales de l’immédiatement familier à la grande histoire de la peinture. Pétries de références artistiques (Degas, Picasso, Toulouse-Lautrec, etc.) ses compositions convoquent un herbier d’hommes et de femmes qui peuplent une vie dont on devine, sans voyeurisme, le spectre émotionnel. Les touches de peinture comme des flammes font frémir la naïveté apparente pour retenir émotion qui fait viscéralement vibrer la toile. Dans la retenue, c’est donc le précipité d’une double intimité qui agite la représentation. La sienne d’abord, ces silhouettes sont celles de ses amis, dans le secret de leurs relations, transfigurés par les sentiments affleurant à leur encontre, Xinyi Cheng glisse sur les peaux, rehausse les détails de la chair, coupant ou recomposant des membres de leurs corps (épaule, sexe, coude, cou…) pour en faire des motifs de scènes réelles ou imaginées.
À travers les corps, leurs représentations, c’est la vie parisienne même de Xinyi Cheng qui s’incarne, ce moment de la rencontre, de la découverte du corps synthétisé dans l’expérience de la proximité, dans sa coexistence construite au fil du temps avec la familiarité. Comme étrangers aux lois de la gravité, ces corps évoluent dans un monde de l’imaginaire qui les remet en scène sans délibérer, sans trancher entre le réel et la fantaisie. En flottant, dans tous les cas, sur le courant paisible et doucereux qui charrie en lui la gravité du médium peinture et la vanité de nos images, le jeu de l’amour, du hasard et de la représentation.
Plus qu’un quelconque échappatoire, la figuration devient ainsi chez l’artiste une répétition du monde, une tautologie créatrice qui en offre une altération nourrissante, une façon également de se livrer au réel et d’en entrouvrir, aux autres, à l’inconnu, de nouvelles portes.
Découvrez l’œuvre de Xinyi Cheng en images :
Article actualisé en mars 2022, découvrez l’exposition de Xinyi Chen Hamburger Banhof de Berlin ici