25 Arts Seconde — Centre Wallonie Bruxelles
Sous le signe d’une visée cosmique et géopoétique du réel, le centre Wallonie Bruxelles inaugure sa saison avec l’événement 25 arts seconde dont l’exposition inaugurale traduit l’attachement de sa direction artistique vers une transcription sensitive de la poétique du fluide.
« 25 Arts Seconde : Soluble & Simulacrum », Centre Wallonie–Bruxelles du 17 janvier au 22 février. En savoir plus Abolissant toute forme d’extériorité ou plutôt, enjoignant à l’embrasser absolument pour en finir avec les notions de limite, cadre ou contexte, le manifeste de l’exposition appelle à l’investissement total, à travers l’art, de nos vies, de même qu’à l’appropriation de ce même art par nos vies. Formes libres, ouvertes, les propositions présentées ici composent un paysage en mouvement, habité par la tragique beauté héraclitéenne d’un devenir perpétuel ; on ne saurait entrer deux fois dans le même fleuve. De même, pourrait-on ajouter, qu’on est toujours transformé par son courant.Si tout bouge ici, si l’accumulation des mouvements déploie dans l’espace une dynamique multiple, émerge indiciblement un sentiment de lieu, une invitation de l’exposition à la suspension ; mutation par le liquide tout s’écoule et tout passe, s’infiltre pour offrir un tableau élargi du recouvrement. La force brute de la confusion (jusqu’à la fusion anthropophage ?) des deux personnages de la saisissante vidéo de Laura Gozlan, Now you’re inside me, it doesn’t mean we’ll collegially agree on all topics, installe une intensité dramatique féconde qui paraît larvée dans le silence de la toile de Carole Mousset, Les Eaux troubles des lendemains, entrailles fantasmées et fantastiques qui retournent la chair et le cœur pour dévoiler un envers des corps. Sous la peau, les strates se démultiplient et dévoilent, par superposition des voiles, un battement continu (Aure Sakellarides, Strates de peau, 2024).
La violence de l’impact physique sur les écrans d’Emmanuel Van Der Auwera, Videosculpture XXVII, se mue, dans leur persévérance à fonctionner, en un vitrail techno-mystique au sein duquel courent perpétuellement les rais de son propre soleil, généré en son sein. Ce même soleil dont les effets percent la densité de la Marée noire d’Aliki Christoforou, éludant par ses reflets la matière du visible et dansant sur les décombres et déconvenues d’un monde qui l’ignore, la sarabande d’une libération de la nature.
Face à cette polyphonie du choc, à cette confrontation de pièces scénarisées et de lâcher-prise, la gravité de la quiétude nous ramène à la responsabilité de diriger notre regard. Suivre langoureusement les variations de liquides de l’installation de Gabrielle Lerch, From liquid to liquid, plonger à corps perdu à la surface même de l’eau, embrassant le monde qui l’entoure et fusionnant en elle horizontalité et verticalité dans la vidéo Lacustre de Galatée Deschamps. Ou remonter, au long d’un même courant, le temps et les ères pour percevoir la nature de trait d’union de cet élément qui, s’il peut être altéré, conserve depuis l’origine la formule essentielle de la vie ; H2O.
Au-delà du jeu sémiotique sur les 25 images secondes qui constituent l’animation, la somme colossale de possibilités induite par la juxtaposition des œuvres n’est qu’une manière d’exprimer cette faille toujours possible du monde de se découvrir, à notre regard, dans sa profondeur artistique. Dans ce mouvement donc, il s’agit de prendre la perspective du cosmique pour envisager chacun des plans comme le tableau possible d’une totalité. Jusqu’à, peut-être, fermer les yeux, suivant en cela la terrible pesanteur de la légèreté des paupières closes de Simon Petit Fort. Et sentir, savoir autrement que par la vue, que chaque image est peuplée d’une infinité de secondes, que l’art démultiplie. Par vingt-cinq.