A la recherche des œuvres disparues — Institut Giacometti
L’Institut Giacometti présente une exposition en négatif d’œuvres absentes du sculpteur, disparues ou détruites qui, malgré son format réduit, garantit un moment plaisant et pertinent pour découvrir plus avant les arcanes de son art.
« Alberto Giacometti — À la recherche des œuvres disparues », Institut Giacometti du 25 février au 21 juin 2020. En savoir plus Une récollection aux allures d’enquête qui s’attache aux années 1920-1935, usant pour la mener à bien de nombreux documents, correspondances, témoignages et autres carnets du sculpteur. Un angle singulier pour un institut qui se démarque une fois de plus dans sa programmation, n’hésitant pas à explorer les possibilités d’un espace pensé comme une structure hybride invitant à une véritable rencontre avec l’art de Giacometti et son époque. En témoignent sa bibliothèque ouverte sur la principale salle peuplée d’œuvres qui semblent s’y inscrire avec naturel, ses tables de travail et son alcôve paisible qui font de la visite un appel à l’étude et à la redécouverte de cet artiste singulier.Un charme auquel le lieu lui-même, le superbe hôtel particulier qui abrite l’Institut, n’est donc pas étranger avec sa succession de décors, de perspectives et d’échelles qui rythment la variété des médiums et formats présentés ; sculptures, peintures, carnets, coupures de magazines, photographies ou livres. Il convient ainsi de bien profiter de ce matériel mis à disposition des visiteurs pour amortir un prix d’entrée particulièrement élevé compte tenu de la taille de ses espaces.
Dans la salle principale, violence et sexualité s’embrassent symboliquement au long de formes abstraites qui doivent encore à ses influences surréalistes. Sous le regard d’un autoportrait rare sculpté dans sa jeunesse, angles aigus et contondants se marient aux silhouettes humaines esquissées et aux courbes évoquant immanquablement l’aspect organique, pour ne pas dire orgasmique de l’ensemble. Une fougue plus démonstrative que dans les sculptures qui feront sa renommée internationale et des formes libres qui, dans leur déséquilibre, leur spontanéité et leur dépouillement, semblent étrangement en phase avec la modernité esthétique. En glissant sur les symboles, ne les convoquant ici qu’à demi (à l’image de sa forme presque jumelle à un cœur qui renvoie également à la figure de l’embryon visible dans ses carnets), ces reconstitutions de pièces construites souvent modestement témoignent pourtant d’une ardeur de la construction, du paysage et de la composition qui rappellent la sinuosité constitutive de son œuvre et la voie empruntée vers une certaine réduction à l’essentiel.
D’une ambition de lecture par le vide, ces reconstitutions passionnantes montrent toute la puissance d’inspiration encore intacte d’un œuvre qui continue de se dévoiler ; la silhouette d’un homme au drapeau, visible sur ses carnets et datant de l’engagement de l’artiste pour le réalisme social peut ainsi évoquer, avec toute la radicalité de sa simplicité, une figure tout aussi dynamique qui constituera bien plus tard l’étendard, cette fois muet, de son engagement à capturer l’intensité de nos vies.
Exposition prolongée jusqu’au 21 juin 2020