Aneta Kajzer — Galerie Semiose
Plus qu’une première exposition en France, la galerie Semiose nous offre, comme à son habitude dans ses Project Rooms, une véritable rencontre avec un univers singulier et mouvementé.
« Aneta Kajzer — Heavy Water », Galerie Semiose du 4 septembre au 2 octobre 2021. En savoir plus Avec Aneta Kajzer, née en 1989 et vivant à Berlin, le titre de la présentation Heavy Water charge aussi bien la forme que le propos d’une création picturale captivante, où le liquide est certes figé sur la toile mais loin d’avoir perdu la force de son mouvement. Par la transparence, par l’ondulation de la ligne, cette eau chargée de pigment impose dans l’espace de sa représentation la force de sa matérialité. Abruptement naïf, l’univers d’Aneta Kajzer fait danser les formes pour révéler, au creux de courbes qui structurent la composition, une inquiétante menace qui enserre les visages humanoïdes, prêts à se voir engloutis dans la puissance sourde et aveugle d’une masse dont on ne devine aucunement la nature.
Installant sans autre forme de procès un monde à nul autre pareil, Aneta Kajzer fait de ses images les portes d’entrée vers un système doué de sa propre logique et porté par une audace salutaire. L’organique est piégé sous l’aspect capillaire des poils de la brosse utilisée pour peindre. L’onirisme s’échappe et fuit définitivement le cadre, l’oeil se réfugie et s’ancre aux maigres indices qui lui assurent une familiarité ; deux pastilles figurent un regard en perdition, une raie capillaire semble porter la dernière trace d’attention au corps soigné, paré à s’exposer avant que le monde ne se replie sur lui-même et n’enserre les corps dans une matrice jumelle à celle qui les a enfantés. Les langues sont tirées, les bouches ouvertes, oscillant entre jouissance pure et tentation de narguer leur spectateur, entre appel à l’aide et expression du désespoir.
L’histoire, certes courte mais largement prometteuse, paraît terrible et son autrice bien résolue à en maintenir l’ambiguïté, à laisser planer cette menace qu’elle se plaît à mettre en scène.
