Anita Molinero à la galerie Alain Gutharc
Anita Molinero ne s’accommode pas de séduction ornementale. Elle va jusqu’où la matière fuit, dans la coulure et le dégoût flamboyants. Les quelques pièces choisies par la galerie Alain Gutharc semblent surgir d’un fond primordial et nous dire : que l’ hybris, sur ce qui aurait pu être, soit. Elles ne révèlent pas seulement un surgissement ; elles le rendent sensible. La rhétorique industrielle, portée à son inéluctable combustion, hésite ici entre le cri et la persistance des choses muettes. Nous ne voyons pas les formes ; ce sont elles qui nous voient puis nous digèrent dans le polystyrène que convulsent des forces archaïques, dans les yeux des phares de voiture, aussi bien. Verticalité du lance-flamme affrontée aux mollesses plastiques, carrosseries et boîtes
McDonald : des tensions déchirent l’espace densifié autour de rayons durs ou de fontaines que pétrifie le four à céramique. Il en résulte une matière baroque, dévorante, qui, saisissant le corps à son point le plus vif, dramatise notre présence au monde. Et cette pâte n’est-elle pas une espèce d’épiderme ? Miroir et croûte à la fois, n’ouvre-t-elle pas sur une chair nouvelle ? Convoquant la « voluminosité » du monde, prenant en charge toutes les dissections, pulpe, viscère et carcasse, l’artiste sculpte, peut-être, pour se sentir jaillir de cette chair. Oui, Anita Molinero est une « fiancée du pirate », sorcière moderne de Nelly Kaplan, que n’effraie plus le bûcher. Haletante, « la langue tirée au sol » comme ses œuvres, elle brûle le feu lui-même.