Annette Messager à la galerie Michèle Didier
Quelques années après mai 68, sans se revendiquer clairement féministe, mais l’étant de facto Annette Messager initie un travail pléthorique d’albums-collections (Mes dessins secrets, Mon guide du tricot et Ma collection de champignons bons et de champignons mortels…) dont l’épicentre est la figure féminine archétypale, telle qu’elle est véhiculée dans une société alors rétrograde. Ma collection de proverbes en fait partie. Il s’agit d’une série de petits carrés de coton blanc, sur lesquels l’artiste a brodé, de sa main, aphorismes misogynes et idées reçues sur le genre féminin, mis chacun sous cadre. « Les femmes sont comme les énigmes qui ne plaisent plus quand on les a devinées » ou encore « c’est la femme qui a fait pousser les cheveux blancs du diable », peut-on ainsi lire. Jouant sur l’image stéréotypée de la femme brodeuse, Annette Messager enfonce le clou, ou, pourrait-on dire, l’aiguille, se mettant elle-même en scène dans la peau d’une parfaite femme au foyer qui coud avant de passer aux fourneaux. C’est d’ailleurs cette mise en abyme, subtile pourtant, qui avait distillé un certain malaise à sa réception. Comme d’habitude Messager travaille à même la matière, pour mieux la détourner, comme c’est le cas notamment de ses peluches enfantines transfigurées.
Visuellement et plastiquement assez pauvre, quoique délicat, ce travail évoque beaucoup celui de Louise Bourgeois, qui dans sa quête d’identification au personnage d’Eugénie Grandet a elle aussi produit un ensemble brodé. Mais l’intérêt de cette série réside surtout dans le temps long d’une lecture attentive pour ne rien perdre de la cocasserie tragique de ce condensé phallocrate, adage après adage.