Bianca Bondi — Fondation Louis Vuitton
La Fondation Louis Vuitton accueille une respiration précieuse dans son nouveau parcours d’exposition. Bianca Bondi y présente une installation sensible et spirituelle qui conjugue minéral et végétal dans l’ordre du recueillement et de l’inspiration.
« Bianca Bondi — Open Space #8 », Louis Vuitton du 22 septembre 2021 au 24 janvier 2022. En savoir plus Quelques notes de musiques accompagnent l’installation The Daydream qui cache sa bizarrerie sous une normalité en trompe-l’œil. Réinvestissant les codes du décoratif et de l’architecture rituelle, la construction trône au centre de l’espace, redistribuant alentour un espace de recueillement autant que d’observation active. Une dynamique duale qui fait toute la force du travail de Bianca Bondi, entièrement traversée par le tropisme symbolique de pratiques et de cultures qu’elle honore de la plus belle des manières, en les mettant à l’épreuve du regard qui les découvre délesté du seul sens du sacré pour y construire à son tour une nouvelle déférence, empreinte du respect qu’elle mérite mais bien plus ancrée dans la curiosité.Un équilibre subtil qui fait des stratégies ornementales et des esthétiques hétéroclites autant de combinaisons de motifs qui déconstruisent l’histoire de rituels non pas pour les remettre en cause mais bien plutôt pour les remettre en jeu, les transporter et les confronter à d’autres réalités. Au sein d’une fontaine aux plateaux dont le rythme des lignes appuie la dimension organique par opposition aux angles droits, voire aigus, de la pièce qui l’accueille, se dévoilent, à mesure, que le regard s’en rapproche, des cristaux, qui renvoient et manipulent la lumière qu’ils reçoivent. Bondi conjugue la psyché au psychédélique et, dans la part expérimentale des rencontres d’éléments qu’elle convoque, laisse une part fondamentale à la composition. Les variations chromatiques dessinent ainsi une déclinaison de couleurs qui offrent une véritable proposition esthétique, faite d’angles obtus et de courbes rassurantes qui érigent dans l’espace une confrontation dont la gravité ne sort pas forcément vainqueur.
Une position à la croisée de la pensée d’un naturel minéral développé avec le temps et l’artificialisation de la nature par des outils d’apparat, par un décorum qui replace l’ensemble dans une perspective symbolique d’ampleur. Une fois encore, Bianca Bondi explore le rite et la tradition en s’emparant ici des codes de la source sacrée à l’exemple de ceux utilisés au Mexique pour monter une ode au « croire », piégé pourtant au cœur d’un lieu qui le contredit et nous force à penser à nouveaux frais sa valeur.
Végétaux et minéraux se croisent ainsi en une danse lascive où la vie continue de se jouer, où les rejets, flétrissements et brisures viennent perturber la surface du sol qui les accueille. L’imitation du folklore, sa déterritorialisation et sa monstration hors-contexte font de la pièce un satellite au statut indéfini. La connexion, ici objectivement spirituelle avec une tradition séparée de milliers de kilomètres déploie dans « l’ailleurs » une histoire intime et continue qui déjoue sans didactisme symbolique, notre propension à évacuer ce que l’on ne saisit pas. Plus encore, la composition faisant appel aux savoir-faire de spécialistes dans le domaine floral, musical et olfactif invités à participer à la création brouille la notion même d’auteur.1
Sculpture, mémorial ou statuaire d’une chimère à la filiation multiple. La fontaine pose question, intrigue et remue le sens dans sa mise en scène presque absconse. Au creux de cette pièce aveugle qui la dépare de toute vertu décorative, immédiatement sensible et heurtant presque toute progression à son alentour, elle semble prête à être manipulée, caressée, à accueillir le corps dans une proximité qui lui octroie un rôle curatif spirituel. Cette distance duale et ambiguë, c’est précisément celle du rêve donc, celui qui nargue nos sens pour inciter notre corps à faire, au réveil, le choix d’y puiser matière à penser, à craindre, à réfléchir ou à croire.
Car le croire, ici, dépasse au final la simple croyance. Fondamentalement empreint du mouvement de la nature, insidieusement lié à son cousin « croître » qui évoque la transformation continue de l’installation par la propriété changeante des éléments qui la composent, l’acte de croire s’échappe d’un déterminisme aléatoire et transcendantal pour offrir à tous la possibilité d’installer une écoute de ses propres pensées à la rencontre de ce monument qui célèbre celui qui s’y recueille.
D’accorder sa confiance à l’inconnu dans un temps suspendu d’autres certitudes que le bruissement continu des éléments dessinant, dans les sillons de l’usure, les lignes tracées de possibles qui nous côtoient et, dans leur singularité, pourraient bien nous inspirer.
1 Composition sonore : Jenn Hutt — Composition florale : Tara Msellati — Composition ambiance olfactive : Yann Vasnier, parfumeur