Body Language au centre culturel suisse
Pour cette exposition photographique, le mythique Fotomuseum Winterthur a ouvert ses fonds au centre culturel suisse et lui a donné carte blanche. C’est donc de la plus belle collection contemporaine de photographies en Europe que sortent les épreuves montrées. Toutes en lien avec le corps, vu comme simple et belle matière anatomique ou parfois étendard politique.
Pour prendre la mesure de la richesse du Fotomuseum, et par extension de cette exposition Body Language il faudrait commencer par la fin, où se trame une confrontation mythique. Richard Avedon et sa série In the American West face aux autoportraits de Nan Goldin pris entre 1977 et 1999. Cela suffirait presque. Mais il y aura plus encore. Suivent ainsi les très beaux Polaroïds d’Hannah Villiger, artiste suisse disparue en 1997 dont les travaux ont récemment été acquis par le Centre Pompidou. Villiger a toujours semblé considérer son corps comme une matière première, qu’elle aurait tordue pour en éviter une représentation trop classique. Sous son objectif, sa cuisse devient un bras et le bas de son dos, une partie de son ventre. Nourrie des « gender studies », la série d’Ulrike Lienbacher engage quant à elle le corps sur une voie plus politique. Hommes et femmes dont la tête n’apparaît jamais, surjouent des attitudes typiquement féminines et masculines mais aucun ne sera vraiment là où l’attend. Ainsi celle que l’on croyait femme, est en fait homme.
Avec l’artiste biélorusse, encore trop peu connu en France, Igor Savchenko, le parcours atteint des sommets. Ses petites épreuves en noir et blanc, réunies sous le titre Alphabet of gestures-1 montrent des corps anonymes, tirés d’archives familiales, qui accèdent au statut d’icônes. Fragmentée, instrumentalisée, érotisée, réifiée, la plastique humaine fait en tout cas discours et trouve dans cette exposition qui fera date une très riche incarnation.