C’est la vie — Occidental Temporary, Villejuif
Organisée du 18 octobre au 15 novembre, l’exposition C’est la vie ? invite, au sein même de l’atelier de l’artiste Neïl Beloufa à Villejuif, une trentaine d’artistes réunis autour d’un projet original dans une ancienne cristallerie aux multiples vies.
Qu’est-ce qu’une exposition sans commissaire ? C’est d’abord une exposition qui fait sa loi. Mais c’est aussi un titre ouvert et généreux, C’est la vie ? qui pare aux frustrations et aux postures d’un monde de l’art en plein bouleversement. Avec une spontanéité prenant à rebours les codes de l’événementiel, Neïl Beloufa réunit dans son atelier artistes, amis et collaborateurs pour offrir un parcours d’une cinquantaine d’œuvres. À l’évidence, tous se sont lancé avec joie dans le grand bain de l’exposition d’envergure nationale, réalisée avec les moyens du bord et se payant même le luxe de reléguer les institutions au rang de partenaires. Pleinement intégrée au microcosme local, à ses anciens résidents tout autant qu’aux enjeux contemporains de la gentrification francilienne dans cet immense espace industriel, l’exposition C’est la vie ? intègre les œuvres d’anciens occupants de cet espace et, par fulgurances, les conditions d’habitation de l’art dans la société. Le résultat, spectaculaire et jouissif doit certes beaucoup à la découverte du merveilleux décor élaboré par Neïl Beloufa pour le tournage de son dernier film, un intérieur d’hôtel autour (et au sein) duquel se déploient des espaces d’exposition. Hôtel qui donne son nom à l’espace d’exposition, Occidental Temporary. Cette installation monumentale participe ainsi grandement à l’immersion au cœur de cette histoire sans mots, de ces artistes animés par une même fougue et une même volonté de participer à un acte presque politique.
On y retrouve ainsi aux côtés du mobile du doyen Boris Achour des grandes figures de la jeune scène française avec Scaffolder Comb, une magnifique pièce de l’artiste hôte, deux œuvres toujours aussi subtilement incisives de Mohamed Bourouissa, une installation d’Oscar Tuazon ou encore une intervention minimaliste de Camille Blatrix, récent lauréat du Prix Ricard. À leurs côtés, on retient également l’installation vidéo complexe et prenante de Nicolas Tubéry, la salle dédiée aux installations vidéo de Chrystele Nicot qui déploie son univers hybride où l’abrupte réalité flirte avec l’absurde, la très belle série de peintures de Benjamin Fanni, les détournements vidéos hystériques et barrés de Sara Sadik ainsi que le caustique Stéphane Vigny et ses bites chaumont.
Entre gravité et légèreté, C’est la vie ? aborde ainsi avec un plaisir non dissimulé la diversité d’une scène créative jeune, capable d’inventer avec ses propres moyens une manière d’aborder l’art. Car l’aventure, derrière sa simplicité, pose également la question de la représentation, de la façon pour l’artiste de s’approprier les moyens de sa communication ou, à tout le moins, son exposition. L’absence de notices de présentation et d’informations sur les artistes participants renforce encore cette plongée immédiate au cœur de la création et révèle l’urgence, pour la nouvelle génération d’artistes comme pour tout amateur, à repenser sa place dans le monde de l’art. Bien que cette appropriation ne soit pas inédite, elle réactive un geste salutaire et, plus subtilement encore, se démarque de toute revendication pompeuse pour célébrer le geste et l’action. Nulle autre ambition que proposer, cohabiter en quelque sorte dans un monde artistique avec sa singularité, son partage et, finalement, n’imposer rien d’autre que son évidence. Le titre C’est la vie ?, après réflexion, pourrait ainsi bien plus ressembler à une réponse ouverte qu’à une question.
Occidental Temporary, 64 rue Pasteur, 94800 Villejuif — Entrée libre — Tous les jours de 11h à 19h, nocturne le dimanche 15 novembre — Site internet