Des hommes des mondes — Collège des Bernardins
Pensée autour de la figure du poète antillais Édouard Glissant, père de la créolisation et du « Tout monde », l’exposition collective « Des hommes, des mondes » qui vient de s’ouvrir au Collège des Bernardins, dresse un portrait d’un nouveau monde, globalisé, éclaté et fondu en mille cultures et identités. Une proposition profuse où se côtoient 17 artistes contemporains internationaux vivants ou morts, parmi lesquels Franck Scurti, Romain Bernini, Chen Zhen ou encore Jacques Villeglé.
« Des hommes, des mondes », Collège des Bernardins du 7 mars au 15 juin 2014. En savoir plus La proposition était belle. Pour penser le monde dans son expression nomade et globalisée, il fallait donner à voir des « œuvres bagages », pensées en mouvement. Certes, certaines installations sont fixées sur roulettes et d’autres invitent au voyage, mais cela ne suffit pas à offrir une image forte, encore moins une idée, de ce qu’est devenu notre monde pluriel ou collectif. Mais de quel monde cette exposition parle-t-elle au juste ? Bien trop vaste et générale, celle-ci aborde aussi bien le post-colonialisme avec l’artiste Rina Banerjee, que les nouvelles migrations avec Chen Zhen ou encore des traces de civilisation à travers le beau travail de Jacques Villeglé. Tout cela au service d’une « création d’un imaginaire collectif mondialisé ». Si les œuvres sont convaincantes, la pensée conductrice de fond déçoit quant à elle.Pourtant, il ne faudra pas s’arrêter à cette absence de clé de voûte de l’exposition et se laisser peu à peu pénétrer par les îlots d’œuvres qui la composent. À commencer par la très belle série de Romain Bernini Cargo Cult qui décrit un monde où les hommes sont coiffés de plumes d’indiens pourtant vêtus comme des urbains. Perdu dans une nature imaginaire, l’homme ne comprend plus sa civilisation et ne sait plus à quels codes appartenir. Entre deux mondes, les créations de Djamel Kokene le sont également. Son mouton sacrifié convoque à la fois tradition et modernité. Image forte, la peau de bête, tâchée de henné, pend sur un portant que l’on trouve dans tous les commerces de vêtements, faisant ainsi cohabiter deux unités de temps ; celle du commerce, nécessairement éphémère dans sa pratique et celle des rituels, inscrits dans une histoire religieuse plus ancienne. En vis-à-vis, le travail de Bruno Perramant rappelle lui aussi que le souvenir de la religion se brouille à mesure que la vie séculière prend le dessus. Sur sa toile La Voix se devine une croix qui gondole.
En creux, l’exposition poserait-elle alors la question du devenir d’une société sans religion ou sans passage initiatique ? Quel homme, par ailleurs, la mondialisation a-t-elle engendré ? En somme, si l’on aurait aimé trouver un point de vue plus affirmé ainsi que son développement sur ce grand thème des « Hommes et des mondes », l’exposition ne manque pas de rappeler les bénéfices d’une pensée universaliste.