Edgar Sarin — Centre d’art contemporain Chanot, Clamart
Edgar Sarin présente une exposition qui joue précisément de l’absence de plan définitif pour continuer de progresser dans le temps de son installation. Ici en résidence, c’est ainsi sa pratique même qui a été définie par le lieu de présentation, avec un point d’origine situé dans la matière même, la terre particulière dénichée aux alentours du centre d’art.
À travers un jeu volontairement ambigu sur la solitude et le collectif, sans laisser trace des autres, l’artiste a usé de plusieurs semaines de résidence pour développer des pièces diverses qui font de la terre la matière première de constructions collectives dont il a été chef d’orchestre. Un orchestre sans nom, distinctement mis à contribution par la multitude de techniques employées mais jamais nommé, retrouvant par là avec, on l’espère, une redoutable ironie, l’appropriation par la légalisation des rapports de commerce, le principe d’une société dont la production compte davantage que le producteur, rendu anonyme par la cession monétisée de sa force de travail.
« Edgar Sarin — objectif : société », Centre d'Art Contemporain Chanot CACC du 19 mai au 11 juillet 2021. En savoir plus Jeux de mots, jeux de sens, le projet d’Edgar Sarin oscille entre les modes et les tonalités ; secrète et travaillée dans l’ombre, l’exposition laisse planer l’incertitude même d’un moment suspendu. Plastique et résolument justifiée par son principe initial, elle articule les champs pratique et théorique en laissant une large part à la projection, à l’expérience d’une absence qui questionne. Des amphores sont comme abandonnées au sol, des toiles sommairement exécutées au mur et un encombrant volume sature la pièce annexe. À découvrir comme on fouille un terrain rempli de mystères, objectif : société porte tout en même temps le symptôme du chantier, du travail en cours qui pourrait subrepticement se voir modifié, transformé (c’est d’ailleurs prévu), laissant émerger un second sens sous la surface, cette possibilité d’une société, plus humaine celle-ci, capable d’intervenir à tout moment pour réaménager l’espace.De façon réelle ou symbolique, Sarin multiplie les signes pour donner à l’espace des éléments capables de se répéter, de se développer et de proliférer par la suite, ailleurs. Une habitude pour cet artiste qui fait de chacune de ses expositions un espace « actif » au sein duquel il appartient au visiteur de tenter de s’intégrer et une manière de retrouver le principe dynamique de tout projet de société, réunion identifiable par ses limites et, par définition, toujours virtuelle dans sa dépendance aux membres mouvants qui la constituent.
Le grand ensemble, divisible en modules, la cheminée, les tableaux, tout s’accorde en un décorum fragile qui offre autant de modulations pour d’autres à venir. Les failles, les manques et l’absence de ligne générale sont alors autant de cases à remplir et à s’approprier, par le visiteur, pour construire à son tour du sens et ressentir sa propre capacité à faire société.