En d’infinies variations — Centre culturel canadien, Paris
Foisonnante, généreuse et riche, l’exposition En d’infinies variations présentée au Centre culturel canadien joue de la répétition et des technologies pour présenter des œuvres au développement singulier qui font osciller les lignes de la volonté créatrice.
« En d’infinies variations », Centre culturel canadien du 7 décembre 2023 au 19 avril 2024. En savoir plus En leur sein se confrontent des faisceaux d’interaction où la décision de l’artiste reflète une manière de dompter les algorithmes qui fait de chacune d’elles un maillon d’une histoire qu’il semble encore possible d’écrire. Cette dimension romantique, particulièrement prégnante dans les œuvres les plus fortes de l’exposition offre un regard inédit sur notre rapport à la technologie, évitant l’écueil d’une globalisation du propos à la froideur et à la distance caractéristiques des mondes numériques pour insister sur la manière dont les artistes font corps avec leur mode de création. Avec son ample sélection d’artistes, le parcours parvient à créer des zones d’interrogation plus qu’à égrener les évidences et c’est finalement dans l’infinie variété des modes d’approche, plus que dans la variation répétée des motifs que l’étendue des possibles se fait jour. Si la matière de l’œuvre se donne, se répète et se multiplie, l’acte créateur s’adapte et se fait limitation plus que course à la génération.Derrière les imaginaires futuristes attendus où la normalisation déraille malgré la systématique initiale, c’est bien plutôt les liens qu’ils tissent avec les traditions séculaires de peuples autonomes dont les créations, elles aussi, intégrées à un système, reflètent l’expansion génératrice. Les artistes, en faisant intervenir l’histoire dans ce qu’elle a de meilleur et de pire, tendent un miroir inattendu à notre propre fantasme du futur pour en révéler des racines plus profondes qui contribuent à le mettre en question.
C’est in fine ce qui transparaît dans ces œuvres où la génération, pour artificielle qu’elle est, n’en reflète pas moins les divagations organiques de l’esprit. Qu’il s’agisse de paysages générés à l’infini, de filtres recouvrant le réel pour n’en conserver que des lignes hypnotiques, d’impositions de motifs géométriques sur les corps ou de modélisations de la réalité en objets esthétiques, toutes renvoient à des modes de notre propre observation, évoquent même les moments d’abandon, proches de l’enfance, où l’imaginaire divague pour entamer sa relecture du monde qui nous entoure. C’est alors d’un imaginaire plastique dont on s’empare ici, obéissant à d’autres codes et dont la puissance permet de projeter jusque sur les cimaises des moments, des visions de transformation qui sont capables d’impacter d’autres imaginaires. Qu’importe alors qui en est l’auteur puisque le signal émis trouve sa cible.
Cette externalisation de la rêverie intime par une entité qui n’en a pas devient le pivot décisif de cette présentation où la personnalité de chaque artiste se voit plus soulignée encore à travers sa manière d’en embrasser la somme de possibilités. Rejouant par là l’acte de création finalement toujours identique, de la définition et création d’un point à abstraire de la ligne pour présenter un objet défini par sa propre perfection, résolue et arrêtée par son auteur. Partant cette fois du tout, plutôt que du rien, pour arriver à l’un.