Foto/Gráfica au BAL
2 - Bien
Critique
Critique
Le 7 mars 2012 — Par Léa Chauvel-Lévy
« Foto/Gráfica — Une nouvelle histoire des livres de photographie latino-américains », Le BAL du 20 janvier au 8 avril 2012.
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Le
BAL exhume un corpus de livres de photographies rares, voire introuvables, publiés en Amérique latine au siècle dernier. Un parcours qui ponctue de longues années de recherche, orchestrées par l’historien de la photographie et commissaire de l’exposition Horacio Fernandez, entouré pour l’occasion d’un aréopage de choix, parmi lequel Martin Parr. Première escale d’une exposition qui voyagera à l’international. Edifiant. Foto Grafica est le résultat d’une traque sans pareil. Un défrichage à la fois sensible et méthodique pour penser à nouveaux frais l’histoire des éditions photographiques latino-américaines. Dès lors, un esprit pionnier gouverne le parcours, à la mesure de cette décennie passée à franchir le seuil d’obscures et inconnues librairies d’occasion à Sao Paulo ou encore Buenos Aires. Face à la rareté, à l’emblématique d’une sélection mêlant éditions originales et tirages d’époques, le regard s’émeut, y rencontre une familiarité retrouvée. Pourtant, il fallait trouver l’audace d’enfermer tous ces livres et les exposer, inertes, comme une masse sourde et silencieuse. Jasmin Oezcebi qui signa la scénographie de l’exposition Dada au centre Pompidou dépasse avec une aisance déconcertante l’écueil qu’induisait ce matériau. Et, contre toute attente, la vie passe, même sous verre, qu’importe finalement que les pages soient comme sous scellée alignées dans de longues vitrines. Tour de force majeur qui permettra au visiteur
d’avoir virtuellement humé la poussière et senti la tranche des ouvrages sans jamais en tenir un seul dans ses mains. Désir de bibliophiles, passions de libraires, l’exposition y introduit mais ces thèmes sont transcendés rapidement, leur préférant un enjeu historique axé sur l’évolution du statut du livre sur le continent. De 1921 à 2009, dates bornes choisies par le commissaire, celui-ci épousera en effet la courbe du progrès, et percera la modernité : d’objet de propagande, il s’émancipera pour devenir progressivement et par soubresauts livre d’art, c’est-à-dire objet en soi, pour soi. Et partant, une fois acquise sa raison immanente, le livre sera même considéré comme un substitut possible à l’espace d’exposition lui-même. Le livre ainsi compris comme ersatz ou micro exposition portable est un postulat suffisamment charmant et émouvant pour convaincre de l’intelligence de tout le projet.