Gabrielle Wambaugh — Galerie municipale Jean-Collet, Vitry
Le catalogue de l’exposition commence fort : « La sculpture, ça n’existe pas. » Sans pour autant verser dans la radicalité de l’exposition The Void d’Yves Klein en 1958, Gabrielle Wambaugh continue ses pérégrinations plastiques et propose dans le grand espace de la galerie municipale Jean-Collet un parcours ponctué de sculptures fragmentées.
« Gabrielle Wambaugh — Ambivalente », Galerie municipale Jean-Collet du 21 janvier au 4 mars 2018. En savoir plus Le catalogue d’exposition déverse le texte d’un dialogue avec l’artiste aléatoirement intercalé par une compilation de vues d’exposition. Démesurément grands, les caractères s’écrasent presque contre les pages aux marges fines et rendent la lecture difficile. Un brouillage éditorial qui incarne dans l’autonomie même du livre certains des préceptes et des logiques de l’œuvre de Gabrielle Wambaugh.L’ensemble typographique du catalogue empiète sur un espace de façon égoïste — trop immense pour la page et disséminé — ; notre compréhension est parasitée. De cette même manière, les sculptures polymorphes de Gabrielle Wambaugh nous tiennent à l’écart de tout sentiment de maîtrise et nous remettent à la périphérie d’un monde autosuffisant qui se meut. L’artiste elle-même abandonne le contrôle de la forme et de la matière en utilisant des techniques capricieuses comme la céramique. Le dialogue avec la sculpture intervient quand la plasticienne vient panser les plaies qu’elle a créé avec d’autres matériaux, comme le caoutchouc de Mm ! (2015) ou le polystyrène de Marie-Madeleine au rocher mou (2016). En mélangeant céramique, tissu, peinture, gré, végétaux ou encore polystyrène, l’artiste convoque des matières qui s’opposent et crée ainsi un tissu de tensions silencieuses. La céramique prend le dessus quand on balaie l’espace du regard mais indépendamment, chaque sculpture développe un combat interne dont on ne connaît pas la fin.
Dans l’architecture stratifiée de la galerie, l’artiste construit un parcours d’œuvres obstruées par des panneaux de couleurs et de dessins puis par des îlots de sculptures éparpillées, au sol ou sur des socles. La déambulation à laquelle nous contraint l’artiste est surprenante mais pas inhabituelle : Gabrielle Wambaugh joue avec la peur de son spectateur. La peur — dans un moment d’inattention pourtant très bref — de percuter une œuvre. L’appréhension est d’autant plus forte qu’il s’agit d’objets sculpturaux réalisés dans des matériaux fragiles qui se superposent avec un équilibre qu’on ne sait statique ou dynamique. Cette attention peut être anecdotique mais façonne et éveille notre rapport à l’espace, à la matière et au dispositif d’œuvres mis en place. Dans la plus grande salle, de grandes cimaises sont élevées et brisent l’espace. Si elles induisent un chemin, elles compartimentent également notre champ de vision en chapitres. Le même jaune qui grignote l’image de couverture du catalogue endigue l’espace de la galerie sous la forme de surfaces uniformément enduites. Une de ces élévations peinte en noir accueille un grand dessin réalisé à la craie. Il se caractérise par un motif récurrent dans le travail de l’artiste, celui d’un enchaînement de lignes verticales qui évoque une chevelure vue de dos. S’agit-il de La Sainte Marie-Madeleine (vers 1515) de Gregor Erhart observée de dos ? Quand on connait la fascination et la récurrence1 de cette sculpture dans son travail, une perspective conceptuelle et narrative se profile grâce à ce détail.
Comme le dit le titre de l’exposition Ambivalente, Gabrielle Wambaugh inscrit son propos et son art dans une forme qui se caractérise par son incapacité à être fixée : Marie-Madeleine est à la fois pécheresse et sainte. C’est cette même dualité qui vient contredire notre perception de la sculpture de Wambaugh.
1 En 2015, Gabrielle Wambaugh crée la sculpture MMM dans les nuages pour un espace public de Vitry. L’œuvre puise également ses sources dans la sculpture du sculpteur allemand.