Gözde Ilkin — MAC VAL, Vitry
Le Mac Val présente l’exposition d’une artiste turque, née en 1981, Gözde Ilkin, résultat vibrant de sa résidence à Vitry-sur-Seine, une expérience de vie qui se retrouve tout entière dans un souffle aussi réjouissant qu’inquiétant, comme elle.
« Gözde Ilkin — Une résidence éco féministe », MAC VAL Musée d'art contemporain du Val-de-Marne du 5 octobre 2019 au 5 janvier 2020. En savoir plus À travers, le patchwork, le tissage, la peinture, la broderie et le dessin, elle réalise des tentures immédiatement séduisantes dont la beauté organique, aussi bien des formes qu’elle y conçoit que d’une matière résistant avec souplesse aux volutes de vents portées sur leur passage par les visiteurs, joue de l’accrochage pour les imposer comme des figures à part entières dans l’espace. Les prolongeant même à travers un jeu de lumières qui projette leurs ombres et le découpage aléatoire du lieu qu’elles occupent, donnant toute sa force à cette présentation qui devient installation.Les troncs humains, les membres et les végétaux se fondent dans la chair pour figurer des embrassades lascives, des danses fusionnelles où les corps se mêlent à leur environnement et se rejoignent dans des saynètes où chaque personnage, semble s’imprimer en l’autre. L’absence de visages accentue cette régression essentielle qui, dans sa mise en scène, refuse la hiérarchie, l’attention à l’un plus qu’à l’autre pour figurer un mouvement unitaire et unifié qui contrecarre toute possibilité de discrimination. Elle invente de la sorte sa propre façon de penser l’altérité, u autre comme condition d’arriver au même, à l’union créatrice et en phase avec son environnement. Une évidence narrative à l’œuvre dans ses travaux qui sonne comme un écho à l’expérience de l’ambivalence qui a nourri son projet de résidence à Vitry et, plus largement, sa pratique.
Gözde Ilkin, dans sa démarche, s’intéresse à ces courants qui irriguent ce qui fait de la vie une aventure collective, ce qui s’y dévoile. En cela, les plantes, qu’elle observe attentivement, constituent un indice décisif de cette intensité qui résiste et s’invente. Le jardin devient, dans sa création, la métaphore d’une culture (qu’elle est) humaine (qui la confronte), riche elle aussi d’une multitude de familles, de genres et de variétés qui la constituent et qu’elle a rencontrés lors de sa résidence à Vitry. Elle s’engouffre dans ces fissures qu’elle observe et analyse pour les souligner et, à terme, y apposer une nouvelle forme de vie, fruit de ces singularités qui viennent mélanger les images, souvenirs et expériences glanés pour en offrir des tentures superbes qui en magnifient les formes. C’est précisément dans ces brisures de l’ordre, dans sa capacité à agencer de nouveau des éléments qui en ont été exclus que Gözde Ilkin, dans sa rencontre avec Vitry, est parvenue à trouver un terrain commun, une prise avec un lieu qu’elle habite alors à sa façon.
Dans ces œuvres, on s’embrasse, on se marche dessus sans se voir, les visages s’effacent, les langues se retrouvent ailleurs, noyées sous des excroissances qui les dépassent. Comme une forme de vie autonome qui emmêle en son essence l’acte créateur et destructeur, à l’image de son titre « Comme les racines parlent, les fissures se creusent ». Cet effort positif de rencontre consiste ainsi en la mise en espace de luttes qui nous précèdent et nous survivent, qui émergent de nos sociétés humaines autant que du règne végétal, de cette nature loin d’être exempte de violence.
La destruction est, comme ailleurs, part ici de la création et se voit, avec une grâce et une intelligence plastiques passionnées, intégrée dans une perspective proprement inspirante et capable d’inventer sa propre langue de l’altérité.
Expo Vitry — MAC VAL jusqu’au 5 janvier