Hiroshi Sugito — Semiose, Paris
Dans la douceur d’un glissement, dans l’écart infinitésimal d’un sentiment, Hiroshi Sugito dépose, dans les espaces d’exposition qu’il occupe, ses peintures empreintes d’un minimalisme éthéré.
« Hiroshi Sugito — Shifting Atmospheres », Galerie Semiose du 19 mars au 7 mai 2022. En savoir plus Né à Nagoya en 1970, le peintre passe son enfance à New York puis obtient son diplôme de « Peinture japonaise » à l’Université des Beaux-Arts d’Aichi. Obérant le classicisme de la tradition du Nihonga (peinture traditionnelle japonaise), il distille en son sein des influences venues du monde entier et de temps différents pour élaborer une imagerie singulière, sobre et sensuelle où la trace, le contact du pigment sur la toile, porté par le poil du pinceau, devient motif.Comme une ascèse onirique, sa pratique de la peinture déploie indistinctement abstraction et éléments figuratifs au gré d’une logique tout aussi intimement subjective qu’ancrée dans un rapport aux cimaises que ses œuvres viendront habiter.
Présentant sa première grande exposition personnelle en musée au Japon en 2017 au Tokyo Metropolitan Art Museum, il illustrait alors sa capacité à intégrer son œuvre au sein d’une construction architecturale radicale en épousant la force du lieu autant qu’en brisant ses codes pour y imposer son étrangeté. Sa présentation exceptionnelle à la galerie Semiose, dans un autre ton, prouve tout autant l’insolente efficacité d’un langage pictural qui manie la composition abstraite, la figuration imaginaire et convoque de grands noms de l’histoire de l’art occidentale des XIXe et XXe siècles, à travers une coulure, une couleur, un geste ou un reste qui renvoient à la multitude de chefs-d’œuvre peuplant son imaginaire. Les présences et absences participent de l’espièglerie silencieuse et féérique d’une peinture aussi pleine de retenue que radicale dans une simplicité apparente dont le mystère s’intensifie à chaque regard porté sur elle. Un jeu de pistes qu’il assume autant qu’il détourne.
Loin d’en contredire la douceur, les couleurs franches, fluos et autres matières plastiques qui sourdent dans nombre de ses œuvres sont autant d’éclats de réminiscences dont le contraste souligne la profondeur, nous projetant plus loin encore dans sa rêverie, aux confins d’un imaginaire légendaire, où l’impossible dicte la nature de phénomènes irréels, pourtant bien perçus.
Ainsi lestées d’une charge paradoxale, ses représentations imposent une contemplation ambiguë, où le repos du souvenir baigne dans une brume qui l’aurait abstraite déjà du monde. Les esprits mythologiques traditionnels, à défaut d’en constituer les sujets, accompagnent ses visions et se manifestent dans l’inflexion d’une figure aléatoire, dans une trace soudaine, dans une disparition aiguë. Les sentiments, mêlés, flottent, anonymes et pluriels dans le ciel d’images d’où la naïveté, enfuie, n’était qu’un prélude à la pudeur d’une invitation au voyage.
Le temps alors, échappé des cadres façon « époque », mêlés des histoires de l’art qu’il parcourt, se dilate à la mesure de la succession de visions offertes pour former une boucle abstraite de la mécanique continuité et emprunte, dans la durée de la visite, un chemin de traverse à l’ombre d’une forêt intemporelle.