Rolf Julius et Kevin Rouillard — Galerie Xippas
La galerie Xippas présente jusqu’au 12 mai une exposition sous forme de rencontre inattendue entre un artiste figure de la scène sonore, Rolf Julius (1939 — 2011) et un jeune artiste, Kevin Rouillard qui exerce à son tour une forme de discrétion dans le fracas du monde, s’emparant d’objets de manière aléatoire pour ériger de nouvelles constructions.
« Rolf Julius / Kevin Rouillard », Galerie Xippas du 26 mars au 12 mai 2022. En savoir plus Dans une sobriété de bon ton, les échos entre les œuvres de ces deux artistes se dessinent, s’entendent et se tracent avec subtilité. Une cohabitation inattendue qui met en valeur l’aspect brut de leur travail tout en soulignant l’attention formelle de créateurs dont les œuvres s’intègrent au principe d’exposition.La juxtaposition des deux œuvres parvient à révéler ainsi la puissance des dispositifs de Rolf Julius, dont la nécessité technique assure une dimension esthétique marquée quand la mise en espace des plaques de métal de Kevin Rouillard scandé derrière sa géométrie extensible à l’infinie la notation musicale d’un rythme aux nuances de couleurs et de d’oxydation. Le temps tout entier semble alors contenu ici, gardant en son sein les échos terrible de sons que sauraient réverbérer avec force le métal.
En sourdine et en silence, cette puissance se voit largement contenue dans l’atmosphère sonore organique et végétale qui imite la nature mais n’essaye pas de camoufler l’aspect purement technique et technologique de ses effets. L’art du contexte, la discrétion des dispositifs et des gestes, réduits au minimum, de Rolf Julius se voit donc entraînée dans une discussion virtuelle, où les chocs appliqués par Rouillard sur les réceptacles de tôle réduits en plaques standardisées, où le hurlement de leur manipulation, de leur soudure, se joue dans un passé qui nous est caché.
Bruits et musique, bien qu’absents alors, hantent l’espace de même que leurs enjeux symboliques. Et ce Grand Mur, réalisé par Kevin Rouillard au Mexique en 2020, alors que la question d’un mur séparant les frontières agité la politique américaine depuis plusieurs années, ne se voit pas plus contraignant que le mur qui la soutient, ouvrant au contraire des perspectives, réverbérant la lumière qui vient le frapper, se reflétant lui-même dans les œuvres de Julius.
Croisant leurs teintes, leurs formes, leurs finalités et leur symboliques, les œuvres du parcours se rencontrent finalement dans leur capacité à réécrire les lignes, physiques et sensorielles de l’espace. Jouant sur la couleur sans moduler la teinte, jouant sur les formes sans s’appesantir sur le sens, c’est bien plutôt dans l’entreprise de deux dynamiques singulières que cette rencontre produit l’effet le plus fructueux.
Plus qu’un hommage à un maître, c’est un compagnonnage qui fait honneur au geste artistique en ce qu’il traverse le temps et les lieux qui s’opère avec élégance ici, assurant une présentation bicéphale qui est une chance pour notre regard de suivre autant de voies qu’elle a d’yeux.