Ipaamamu, Histoires de Wawaim — CPIF, Pontault-Combault
Après une évangélisation dans les années 1940 et un épisode saillant de leur histoire les ayant mis aux prises avec l’équipe de production du cinéaste Werner Herzog lors du tournage, dans les années 1970, de Fitzcarraldo, l’histoire récente des Awajuns concentre une somme de problématiques qui touchent aussi bien à la lutte politique qu’à l’indépendance culturelle.
Sans autre position que celle de la mise à l’épreuve de la parole et du fait, la scénographie de l’exposition d’Eléonore Lubna et Louis Matton laisse émerger une histoire sensible faite de combats, d’incompréhension, de doutes mais aussi d’affirmations et de décisions qui vont influencer, en entrant dans le champ médiatique, une multitude d’autres situations analogues dans le traitement de populations autochtones. Un documentaire de Nina Gladitz datant de 1981, réalisatrice allemande revient également sur ces faits, trouvant là un contexte idéal pour être redécouvert.
Des personnalités émergent et l’on s’intègre avec aisance dans ces enjeux qui agitent alors la communauté, divisent les opinions et donnent à voir l’histoire en marche. Une familiarité qui trouve sa prolongation dans la multitude de photographies des deux artistes documentant la vie quotidienne de la population mais aussi la richesse d’un territoire dont l’artisanat, notamment la pratique de la céramique est également présent. C’est ainsi une série de vingt-deux céramiques dévoilant, à mesure que l’on s’en approche des motifs relatant l’histoire même de la lutte.
Entre mythes ancestraux de la communauté et représentations du campement du cinéaste et de son hélicoptère, les pots de céramique se font vecteurs d’une histoire qui se transmet au-delà des mots, dans la pratique même et articulant sa propre temporalité, irréductible au seul regard rétrospectif d’une pratique de l’histoire qui trouve là matière à se réinventer. Une pratique qui trouve enfin écho dans une lutte plus récente, relatée et documentée par ses acteurs même, lorsqu’en 2008, peuples awajun et huambisa s’unissent pour protester contre la politique d’extraction minière du Pérou. Un événement sanglant menant à la mort d’une trentaine de personnes dans des affrontements avec la police qui rappelle la terrible gravité de politiques cyniques d’exploitation.
Loin de ne se borner ainsi qu’à un descriptif factuel des multiples injustices qui émaillent la vie d’une communauté confrontée à l’instauration de lois obéissant aux intérêts financiers des Etats qui les ont enserrés, la multitude d’interventions, les témoignages, œuvres d’art, photographies, souvenirs et documents d’archive compilés dans cette très belle exposition dresse le portrait d’un principe actif de la lutte.
La résistance apparaît alors comme une forme de pouvoir, une organisation positive de la communauté pour en éprouver sa force solidaire et le vecteur de l’exposition polyphonique comme un outil idéal pour nous sensibiliser au prix de la liberté.