Jean Messagier — Galerie Catherine Putman
Un trait vif, vivifiant, tonique et tonitruant qui se ressent dans ces dessins exposés par la galerie Catherine Putman qui offre une exposition réjouissante d’œuvres de Jean Messagier présentée jusqu’au 10 mars.
« Jean Messagier — On pleure devant une vallée perdue », Galerie Catherine Putman du 13 janvier au 10 mars 2018. En savoir plus Un ensemble qui offre un aperçu saisissant de la liberté et de la poésie de cet artiste total qui, à travers une multitude de modes d’expression, a toujours célébré la vie et la création en les modelant autant qu’en se saisissant de tout ce qu’elles ont à donner. Car plus qu’un maître, Messagier est un expérimentateur de formes et de forces qui aura cherché toute sa vie à étoffer son langage pictural, s’appropriant les modes d’expression les plus contemporains et usant de techniques inventives appelant la complicité de la nature elle-même. Deux dimensions immédiatement lisibles dans On pleure devant une vallée perdue avec d’abord un dessin usant de la peinture Aérosol et de merveilleuses compositions qui font intervenir la nature en laissant éclater les pigments. Une intention qui s’est toujours exprimée dans son art et qui trouve là une de ses plus belles variations, où la toile et la peinture à l’eau deviennent supports pour capturer, emprisonner puis exposer ses biais d’expressions secrets. Abandonnée à l’extérieur dans une atmosphère glaciale, la peinture à l’eau se voit devenir chaîne de motifs nés du gel analogues à des compositions végétales, doublant ici la dimension naturelle de la représentation. Un vertige qui répond à la capacité du peintre à capter, à son tour, les humeurs et mouvements de l’air dans des productions que l’on connaît mieux.Comme à son habitude, il mêle, d’un trait d’une légèreté rare, les couleurs en masses vibrantes qui se lisent comme autant de moments capturés, de sentiments saisissant face au spectacle du réel que l’artiste nous rend et parvient à présenter, malgré leur tendance évidente à l’abstraction et à la subjectivité, comme un mouvement naturel. Dimension essentielle de son travail, le temps, qu’il soit évoqué ou non à travers des phrases écrites à même l’œuvre ou dans les titres, est constamment mis en jeu dans les pièces présentées. Temps cyclique et saisonnier qui vient perturber les couleurs et la forme du monde ou temps de l’homme, nécessairement éphémère et singulier, s’entrechoquent ainsi dans des compositions lumineuses et profondes. Mélancolie, humour et amour s’entremêlent pour rejouer la complexité nécessaire de notre rapport au monde, à la création, que Messagier perçoit comme une superposition de strates indissociables.
C’est là toute la force de cette plongée très bien pensée dans son œuvre dessiné et gravé que de mettre en valeur sa capacité à concrétiser cette visée totale d’un art de l’impression qui se révèle éminemment et presque universellement sensible. On traverse ainsi d’œuvre en œuvre les variations d’un peintre qui n’a cessé de moduler sa pensée et de chercher à se renouveler autant qu’atteindre un point de « vérité » ouvert que seules l’expérimentation renouvelée et par conséquent la multiplicité, ne peuvent et ne doivent corroborer.