Micky Clément — Galerie Derouillon
Micky Clément déploie un lexique pictural qui convoque l’histoire de l’art et ancre notre lecture dans une période — ou un « genre » — tout aussi circonscrit que le regard qu’il porte aux choses grâce à son appareil photo.
« Micky Clement — Ancora vita », Galerie Derouillon du 3 février au 10 mars 2018. En savoir plus Micky Clément a abandonné la nature déchaînée et sa vision béatifique du monde. Sa série de tableaux Waiting Period (2015) délivrait une vision romantique et habitée de palmiers agités par une tempête apocalyptique dans une Miami bizarrement sauvage. Le viseur de son appareil photo était rivé vers les cieux et traduisait un état ascétique de contemplation. La lente vitesse d’obturation nous laissait également imaginer que Micky Clément patientait des heures face à la nature et aspirait à la percée d’une apparition miraculeuse.De retour au monde séculier et à hauteur d’Homme, Micky Clément baisse son objectif et son regard vers le sol. Avec des œillères, Ancora vita nous offre un paysage sans horizon qui s’appuie sur l’architecture de l’image pour délivrer un royaume de textures aux couleurs aveuglantes. Comme dans Waiting Period, il déploie une imagerie du hors-champ qui lui permet de dessiner un univers arrêté et déserté : une forme de vanité qui se passe des symboles de la fuite du temps. Les seuls traits humains (Statua, 2017) sont ceux d’une statue — comme son nom l’indique — en pierre qui se caractérise notamment par un déhanché lascif, typique des représentations de Vénus. Comme les plantes qui l’encadrent, la partie supérieure de son corps est amputée par l’image qui l’arrête abruptement dans sa course. Ainsi, grâce au développement d’une esthétique du débordement, les images de Micky Clément orientent notre regard dans un jeu de perspective et de coloration post-traitement halluciné.
Si l’image semble s’évader et tend vers la périphérie, les formes que Micky Clément retient sont bien figées. Des marches carrelées sont habillées par l’ombre portée d’un palmier, une plante grasse brûle au soleil, le bord d’une piscine révèle les dessins abstraits d’un Kärcher… Ces images photographiées regorgent — par leur lenteur, leur maîtrise du temps et par l’instabilité paradoxale des sujets qu’elles représentent — de références à tout un pan de l’histoire de l’art et de la peinture de genre. À la manière des natures mortes de l’école flamande au XVIIe siècle, ses photographies étincelantes cherchent le point d’équilibre dans des compositions tronquées et rivées sur le détail. L’artiste met son spectateur dans une position de décryptage similaire au vocabulaire symbolique des vanités.
Grâce à un traitement de la couleur particulièrement surréaliste, Micky Clément dessine des plans qui s’amusent de la perspective de lieux pourtant réels et photographiés en lumière naturelle. On peut voir, dans ce façonnage chromatique, une forme de démonstration technique (celle de la retouche d’image sur ordinateur) qui ébranle nos certitudes et joue avec la mimèsis de la peinture. C’est ce même jeu de virtuosité parodiée que l’on retrouve dans Sedia , où des chaises empilées sur une table rejouent les formes équilibristes des orgies organiques des peintures de Jacob van Es ou Frans Snyders.